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Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/288

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quante ans passés, dépeint à quatre canonniers les horreurs de l’occupation.

À mon entrée, elle s’interrompt.

— C’est du lait et des œufs que vous voulez… À vous vendre ? Mais non, mon petit. Je vais vous les donner… tout de suite.

Et elle reprend son récit :

— Oui, mes pauvres messieurs, comme je vous dis… devant le père. Ils l’avaient adossé à l’armoire et ligoté pour qu’il voie tout. Ils étaient cinq ou six et un officier. Ils ont violé les deux filles… dix-huit et vingt ans, et gentilles, et sérieuses !… Tous les six l’un après l’autre !… Il paraît qu’elles criaient, les pauvres petites ! C’est pas des hommes… C’est des bêtes !…

Et la bonne femme continue tranquillement, sans gêne, baissant seulement la voix d’un ton : Il y en a plus d’une qui y a passé. Comme moi.

— Moi aussi ! Je ne suis pourtant pas une jeunesse… j’ai un fils qui est soldat comme vous… Si c’est pas malheureux !… C’était un soir, comme à cette heure-ci… ils étaient quatre qui venaient pour coucher. Que voulez-vous que je me défende !… Le mieux, c’est de ne rien dire… Il y en a qui se sont défendues et qu’ils ont éventrées. Mon mari était à faire des charrois pour eux. Je me disais : « S’il rentre, qu’est-ce qu’il va arriver ?… Il va en tuer… »