Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/310

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s’égrène. L’embarquement à Ressons… l’interminable cahotement du wagon à bestiaux à moitié plein de boules de pain moisi… la fièvre, la soif ! Enfin l’hôpital… le lit… les mains de femmes, le pansement raidi de sang noir défait, le silence… ah ! le silence !…



Le 30 septembre, le courrier du matin m’apportait à l’hôpital une lettre de mon ami Hutin. Je la reproduis dans toute sa simplicité :


« 25 septembre 1914.
« Mon vieux frère,

« Hâte-toi de nous donner de tes nouvelles. J’espère bien que tu vas te tirer de là. Tous les amis de la pièce se joignent à moi dans ce vœu de guérison rapide et complète.

« Peut-être ne sais-tu pas le malheur qui est arrivé à la batterie, quelques minutes seulement après ton départ. Le capitaine a été tué : une balle d’obus sous l’œil gauche. Tu te rappelles que nous disions tous : « Celui-là, s’il lui arrive quelque « chose, il peut compter sur nous. » Quand on l’a vu tomber, dix à la fois, on a couru à lui pour le