Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/65

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Sur la route, nos voitures, des automobiles pleines d’officiers supérieurs, des pelotons de chasseurs escortant des états-majors galonnés, des fourgons lèvent une poussière qui jamais ne s’éclaircit. Nos uniformes sombres sont tout de suite gris. Les cheveux, les cils, nos barbes de quinze jours retiennent la poussière. Les autobus parisiens transformés en voitures à viande, en nous dépassant, achèvent de nous rendre aussi blancs que la route elle-même.


— Reconnaissance !

— Quoi ?

— Reconnaissance, faites passer !

Les brigadiers répètent l’ordre.

Le capitaine nous dit simplement en éperonnant son cheval :

— Nous allons tirer.

Le commandant, les capitaines des trois batteries, les trompettes et les brigadiers de tir forment un peloton qui tout de suite s’éloigne au galop.

Nous traversons Azannes, où nous devions cantonner. C’est un minable village aux maisons basses, encombré de fumiers. On voit qu’ici l’homme n’a point osé entreprendre. Ce n’est pas que la campagne d’alentour soit pauvre, mais la perpétuelle menace de la guerre, de l’invasion, a