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Page:Lirondelle - Le poète Alexis Tolstoï, l’homme et l’œuvre, 1912.djvu/624

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Le commandeur prit le parchemin et lut à demi-voix et en se tournant souvent de mon côté, une déclaration du roi Charles VII, adressée à tous les barons des Ardennes, pour leur signifier et faire connaître la confiscation des fiefs de messire Bertrand d’Haubertbois et de madame Jeanne de Rochaiguë, accusés d’impiété et de différents crime.

La déclaration commençait par les termes d’usage :

Nous Charles septiesme, par la grâce de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces présentes Lettres verront, salut. Sçavoir faisons à tous nos vassaulx, barons, seigneurs, nobles et chevaliers, pour ce que la part de nos officiers, seigneurs et nobles nous a esté remonstré que nostre baron, le sire Bertrand d’Haubertbois, mauvaisement et comme désobéissant et entreprenant grandement à l’encontre de nous et de nostre Souveraineté, etc. Ici suivait un long dénombrement des griefs contre messire Bertrand, qui entre autres, disait-on, aux choses ecclésiastiques ne gardait nulle révérence, n’obéissance, ne faisait jamais Quaresme, ne semblant qu’il en fût, et maintes années fut sans se confesser, ne recevoir nostre Seigneur et Rédempteur Jésus-Christ.

Pour conclusion, portait le parchemin, il n’est possible de pis faire que le sire d’Haubertbois a faict. Car à la veille de l’Assomption de Madame nostre sainte Vierge et pendant une orgie moult desplaisante à Nostre Seigneur, usa messire Bertrand de ceste parole : Par la mort de mon aame ! Poinct n’y a de vie future, et si peu en ai croyance, qu’en cas contraire serment fais et parfois de revenir me gaudir et me goberger en mon chastel dans trois cents ans à compter d’huy, quand mesme pour ainsi faire devroys bailler mon aame à Satan !

La déclaration ajoutait que cet odieux propos avait paru si plaisant aux convives, que tous avaient fait également serment de se retrouver dans trois cents ans jour pour jour et heure pour heure dans le château de messire Bertrand, pour lequel faict ils étaient déclarés félons et impies.

Comme bientôt après ces abominables paroles, messire Bertrand avait été trouvé estranglé ou estouffé dans son armure, il échappait naturellement au châtiment de ses crimes, mais ses fiefs furent confisqués de même que ceux de sa bonne amie, madame Jeanne de Rochaiguë, qui, entre autres gentillesses, était accusée par la déclaration d’avoir fait périr le prieur d’un couvent de franciscains, après