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AUTOUR D’UNE AUBERGE

rait ; mais depuis la fête de Sellier, je crois qu’on l’a ensorcelé, car il n’a pas passé une semaine sans revenir en boisson. Il devenait de plus en plus furieux ; j’en avais peur. Je craignais de dormir lorsqu’il était en cet état. Il m’avait même menacé de me tuer. Chose curieuse, il avait autrefois du respect pour les prêtres ; mais depuis ce temps, devant ses enfants même, il blasphémait, sacrait comme jamais. Pour sûr, disais-je, Boisdru, ça va mal ! Tu fréquentes des méchants compagnons ; fais donc attention à tes enfants qui t’écoutent !… Rien ne fit. Depuis huit jours, il n’a pas dérougi…

« Lundi dernier, il eut une attaque de nerfs à ce que ma dit le docteur. Il arpentait la salle de long en large, puis vint enfin me trouver et me déclara qu’on voulait le tuer. Je lui ai demandé s’il devenait fou ? — « Non, dit-il, c’est Jean-Marie qui m’a appris cela. » Tout à coup, il se prit à trembler de tous ses membres, il pleurait, l’air hébété… demandant grâce ! Il avait les yeux effrayants à voir, les muscles du visage si agités, les cheveux droits sur la tête ; j’en ai eu peur. Je dis au plus âgé de mes garçons d’aller chercher son oncle. Jean-Marie que vous voyez arriva à la course, et parvint à le calmer. Il venait de le laisser quand je vis mon mari se lever et se frapper la tête contre la muraille. Je crus qu’il allait s’assommer.