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THUCYDIDE, LIV. I.

On rappela les députés, et les Lacédémoniens leur déclarèrent que, suivant eux, les Athéniens étaient coupables, mais qu’ils voulaient inviter aussi tous les alliés à donner leurs suffrages afin de n’entreprendre la guerre que d’après une délibération générale. Cette affaire terminée, les députés se retirèrent chez eux ; ceux d’Athènes partirent les derniers, après avoir fini la négociation objet de leur voyage. À la suite de longs débats, le décret de l’assemblée, relatif à la rupture des traités, fut publié la treizième année de la trève de trente ans, qui avait été conclue après l’affaire d’Eubée.

Chap. 88. Les Lacédémoniens le portèrent bien moins à la persuasion des alliés, qu’à raison des craintes que leur inspiraient les Athéniens. Ils les voyaient maîtres de la plus grande partie de l’Hellade, et craignaient qu’ils ne devinssent encore plus puissans.

Chap. 89. Voici comment les Athéniens s’étaient mis à la tête des affaires ; circonstance qui fut cause de leur accroissement. Quand les Mèdes se furent retirés de l’Europe, vaincus par les Hellènes sur terre et sur mer ; quand ceux d’entre eux qui échappèrent sur leurs vaisseaux, cherchant un asile à Mycale, eurent été détruits ; Léotychidas, roi de Lacédémone, qui avait commandé les Grecs à Mycale, retourna dans sa patrie, et emmena les alliés du Péloponnèse. Les Athéniens restèrent avec les Hellènes de l’Ionie et de l’Hellespont, qui déjà s’étaient décachés du roi, et assiégèrent Sestos, que les Mèdes occupaient. Ils continuèrent le siége pendant l’hiver, et, après s’être rendus maîtres de la place, qu’abandonnèrent les Barbares ils se retirèrent de l’Hellespont, et rentrèrent chez eux par peuplades. Les Athéniens, après la retraite de l’ennemi, firent revenir des divers endroits où ils les avaient secrètement déposés, leurs enfans, leurs femmes, et ce qui leur restait d’effets précieux, et pensèrent à relever leur ville et leurs murs. Il ne restait que peu de l’ancienne enceinte des murs : la plupart des maisons étaient tombées ; il n’en subsistait qu’un petit nombre, où avaient logé les plus considérables des Perses.

Chap. 90. Les Lacédémoniens, informés de ce projet, vinrent en députation à Athènes. Eux-mêmes auraient bien voulu que ni cette ville, ni aucune autre, n’eût été fortifiée ; mais surtout ils étaient sollicités par leurs alliés, qui craignaient et la puissante marine des Athéniens, bien différente de ce qu’elle fut autrefois, et l’audace que ce peuple avait montrée dans la guerre contre les Mèdes. Les députés invitèrent les Athéniens à ne pas se fortifier, à détruire plutôt avec eux toutes les fortifications qui se trouvaient hors du Péloponnèse. Ils ne leur faisaient connaître ni leurs vues, ni leurs défiances, et prétextaient que les Barbares, s’ils revenaient, n’auraient plus de lieu fortifié qui pût servir de point de départ, ainsi qu’ils l’avaient fait de Thèbes.

À les entendre, le Péloponnèse suffisait pour offrir à tous les Hellènes une retraite d’où ils s’élanceraient contre les ennemis.

Les Athéniens, sur l’avis de Thémistocle, se hâtèrent de congédier les députés, et répondirent seulement qu’ils allaient, de leur côté, faire partir pour Lacédémone une députation chargée de traiter cette affaire. Thémistocle voulut être expédié lui-même sans délai, demanda qu’on ne fît point partir sur-le-champ ceux qu’on lui choisirait pour collègues, mais qu’on les retînt jusqu’à ce que le mur fût assez élevé pour être en état de défense. Tous ceux