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THUCYDIDE, LIV. II.

un bataillon, font volte-face et résistent à toutes les attaques. Deux ou trois fois ils font reculer les Platéens ; mais bientôt ceux-ci se précipitent sur eux à grand bruit. Les femmes et les domestiques, au milieu des cris et des hurlemens, lançant, du haut des maisons, des tuiles et des pierres ; une pluie abondante ajoutant d’ailleurs à l’horreur des ténèbres, la terreur les saisit. Ils tournent le dos, ils fuient à travers la ville, dans la fange, dans l’obscurité (car on était au déclin de la lune), ignorant, pour la plupart, les passages qui pouvaient les sauver, et poursuivis par des ennemis qui les connaissaient et interceptaient toute retraite, en sorte que beaucoup périssaient. Un Platéen ayant fermé, à l’aide d’un fer de lance introduit, au lieu de verrou, dans la gâche, la porte par où ils étaient entrés, et qui était la seule ouverte, il ne leur restait plus d’issue, même de ce côté. Poursuivis dans la ville, quelques-uns allaient gravissant le mur et se précipitant en dehors ; ils périssaient la plupart. D’autres gagnèrent une porte abandonnée, trouvèrent une femme qui leur prêta une hache, brisèrent la barre, mais n’échappèrent qu’en petit nombre ; car on s’en aperçut bientôt. D’autres se dispersèrent et furent égorgés. Le plus grand nombre, ceux qui s’étaient resserrés en un bataillon, donnèrent dans un grand bâtiment qui tenait au mur. Par hasard la porte en était ouverte ; ils la prirent pour une des portes de la ville qui avaient issue dans la campagne. Les Platéens, les voyant pris, délibérèrent s’ils ne les brûleraient pas tous à l’instant même, en mettant le feu à l’édifice, ou s’ils prendraient contre eux un autre parti. Enfin ces malheureux, et tout ce qui restait encore de Thébains errans dans la ville, se rendirent à discrétion eux et leurs armes. Tel fut le sort de ceux des Thébains qui étaient dans Platée.

Chap. 5. Le reste des Thébains, qui devait, avant la fin de la nuit, se présenter en corps d’armée pour soutenir au besoin ceux qui étaient entrés, arrivait en diligence, d’après la nouvelle de ce qui s’était passé. Platée est à soixante-dix stades de Thèbes. Un orage survenu la nuit retarda leur marche ; car le fleuve Asope, se gonflant, était devenu difficile à traverser. Ils marchèrent par la pluie, ne passèrent le fleuve qu’avec peine, et arrivèrent trop tard : leurs hommes étaient ou tués ou pris. Furieux de ce désastre, ils dressèrent des embuscades à ceux des Platéens qui se trouvaient hors de la ville. En effet, la catastrophe inopinée étant arrivée en temps de paix, il y avait dans la campagne et des hommes et des marchandises de prix. Ils voulaient que ceux qu’ils pourraient prendre leur répondissent de ceux des leurs qui étaient restés dans la ville ; si toutefois il en restait à qui l’on eût laissé la vie. Tel était leur dessein. Ils délibéraient encore, quand les Ptatéens, se doutant du parti que prendraient les ennemis, et craignant pour ce qu’ils avaient de citoyens au dehors, firent partir un héraut, et le chargèrent de dire aux Thébains que c’était une impiété d’avoir essayé de prendre leur ville en pleine paix ; qu’ils se gardassent de faire aucun mal aux gens du dehors, s’ils ne voulaient qu’on donnât la mort aux prisonniers ; mais qu’on les leur rendrait s’ils quittaient le territoire.

Voilà ce que racontent ceux de Thèbes, et ils prétendent même que les Platéens jurèrent cette convention. Mais ceux-ci assurent qu’ils avaient promis de rendre les prisonniers, non sur-le-champ, mais d’après une conférence, dans le cas où l’on s’entendrait ; et ils nient qu’il y ait eu un serment prêté. Ce qui est certain, c’est que les Thébains