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THUCYDIDE, LIV. II.

les décide. Souvent le plus faible et le plus craintif a combattu avec avantage une armée supérieure, qui, par dédain, ne se tenait pas sur ses gardes.

» En pays ennemi, on doit avancer avec une noble assurance, mais s’être préparé avec crainte ; car c’est le moyen de se porter contre l’ennemi avec plus d’ardeur et de l’attaquer avec moins de péril. Or, nous ne marchons pas contre une république incapable de se défendre ; elle est abondamment pourvue de tout. Il faut donc croire, quoiqu’ils ne fassent aucun mouvement, parce que nous ne sommes pas encore sur leur territoire, qu’ils en viendront aux mains dès qu’ils nous verront ravager leurs campagnes et détruire leurs propriétés ; car, chez tous les hommes, la colère entre par les yeux, surtout lorsqu’ils se voient tout-à-coup exposés à un désastre inattendu.

» Moins on raisonne, plus on se montre fougueux et violent. Or, c’est ce que doivent, plus que personne, éprouver les Athéniens ; eux qui prétendent commander aux autres ; eux, plus accoutumés à porter le ravage chez leurs voisins qu’à le voir porter chez eux. Puisque vous allez combattre une telle république, et qu’il en doit résulter pour nos ancêtres et pour nous-mêmes, d’après les événemens, une alternative de réputation très importante en bien ou en mal, marchez où l’on vous conduira, mettant au-dessus de tout le bon ordre et une sage vigilance, et exécutant avec célérité les ordres de vos chefs. Il n’est pas de spectacle plus beau, ni qui promette plus de sûreté, que celui d’un grand corps mis en mouvement par une seule et même volonté. »

Chap. 12. Après avoir présenté ces importantes considérations, Archidamus congédia l’assemblée, et fit d’abord partir pour Athènes un Spartiate, Mélésippe, fils de Diacrite. Il voulait éprouver si les Athéniens se relâcheraient de leurs prétentions, en voyant déjà les ennemis en marche ; mais ce député ne put être admis dans l’assemblée, ni même dans la ville. On avait résolu de s’en tenir à l’avis de Périclès, et de ne plus recevoir ni hérauts ni députés, dès que les Lacédémoniens se seraient mis en campagne. Ils le renvoyèrent donc sans l’entendre, et lui prescrivirent d’être hors des frontières le même jour, ajoutant que ceux qui l’avaient expédié n’avaient qu’à retourner chez eux, d’où alors ils seraient maîtres d’envoyer des députations à Athènes. On fit accompagner Mélésippe, pour qu’il n’eût de communication avec personne. Arrivé sur la frontière, et près de quitter ses conducteurs, il dit en partant ce peu de mots : « Ce jour sera pour les Hellènes le commencement de grands malheurs. »

Au retour de ce député, Archidamus, convaincu que les Athéniens étaient déterminés à ne rien céder, part, et fait avancer ses troupes vers l’Attique. Les Béotiens, après avoir donné aux Péloponnésiens une partie de leurs gens de pied et toute leur cavalerie, entrèrent, avec ce qui leur restait, sur le territoire de Platée, et le ravagèrent.

Chap. 13. Quant aux Péloponnésiens, ils étaient toujours rassemblés dans l’isthme ; ils étaient en marche, et n’avaient pas encore pénétré dans l’Attique, quand Périclès, fils de Xanthippe, le premier des dix généraux choisis par les Athéniens, bien convaincu qu’une invasion les menaçait, soupçonna qu’Archidamus, qui lui était uni par les liens de l’hospitalité, pourrait bien, de lui-même et pour lui complaire, épargner ses terres et les préserver du ravage ; ou bien encore, les Lacédémoniens lui ordonneraient de le ménager pour le rendre suspect à ses concitoyens, comme