Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
170
THUCYDIDE, LIV. II.

des dieux ni les lois humaines n’éloignaient du crime. Les dieux ! en voyant périr tout le monde indistinctement, on jugeait indifférent de les honorer ou non : les lois humaines ! nul ne s’attendant à vivre jusqu’à ce qu’on instruisît le procès, on ne craignait pas les peines ordonnées par les lois, mais on voyait suspendu sur sa tête un châtiment plus grave déjà prononcé ; et avant de le subir, on croyait raisonnable de tirer au moins quelque parti de la vie.

Chap. 54. Voilà les terribles maux qui pesèrent sur les Athéniens. Dans leurs murs, ils voyaient les citoyens moissonnés par la faux de la mort ; au-dehors, leurs campagnes ravagées par le fer ennemi. On se ressouvint alors, comme il arrive en de telles circonstances, de cette prédiction que les vieillards disaient avoir entendu chanter autrefois : Athènes, un jour, aura dans ses champs la guerre des Doriens et la peste avec eux.

Comme, dans la langue hellénique, le mot qui signifie la peste et celui qui signifie la famine diffèrent peu dans la prononciation, on disputait sur le fléau dont on était menacé : mais dans le temps de la contagion, on dut croire que c’était la peste que prédisait l’oracle : car les hommes adaptaient leurs souvenirs aux maux qu’ils souffraient. S’il survient un jour une nouvelle guerre de Doriens, et qu’il arrive une famine, on appliquera la prédiction à la famine.

Ceux qui avaient connaissance d’un oracle rendu aux Lacédémoniens, ne manquaient pas de le rappeler. Le dieu, interrogé pour savoir s’ils entreprendraient la guerre, avait répondu que s’ils combattaient de toutes leurs forces, ils remporteraient la victoire, et il avait prononcé que lui-même viendrait à leur secours. On conjecturait qu’il devait exister un rapport entre l’événement et l’oracle. La maladie se déclara dès que les Péloponnésiens eurent commencé leur invasion, et n’exerça pas de grands ravages dans le Péloponnèse : ce fut Athènes surtout qu’elle dévasta, et ensuite les autres pays les plus peuplés. Voilà ce qui arriva de relatif à la peste.

Chap. 55. Les Péloponnésiens, après avoir ravagé la plaine s’avancèrent dans la partie de l’Attique qu’on appelle maritime, jusqu’au mont Laurium, où les Athéniens ont des mines d’argent. Ils dévastèrent d’abord le côté qui regarde le Péloponnèse, ensuite la partie qui regarde l’Eubée et l’île d’Andros. Périclès, encore général, persistait dans le même avis qu’au temps de la première invasion, et pensait qu’il ne fallait pas que les Athéniens sortissent.

Chap. 56. Les Lacédémoniens continuaient d’occuper la plaine : ils n’avaient pas encore gagné le littoral, quand il fit appareiller cent vaisseaux contre le Péloponnèse. Ces dispositions terminées, il mit en mer, embarquant quatre mille hoplites et trois cents cavaliers. Ces derniers montaient des bâtimens propres au transport des chevaux, et que, pour la première fois, on construisit avec de vieux navires. Les troupes de Chio et de Lesbos faisaient partie de cette expédition avec cinquante vaisseaux. Cette flotte, à son départ, laissa les Péloponnésiens sur les côtes de l’Attique. Les Athéniens, arrivés à Épidaure dans le Péloponnèse, saccagèrent une grande étendue de pays. Ils attaquèrent la ville dans l’espérance de la prendre ; mais n’ayant pas réussi, ils quittèrent Épidaure, et ruinèrent la Trézénie, l’Halie et l’Hermionie, toutes contrées maritimes du Péloponnèse ; puis ils remirent en mer, allèrent à Prasies, ville maritime de la Laconie, dévastèrent une partie de la campagne, prirent la place et la détruisirent. Après cette expédition, ils