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THUCYDIDE, LIV. II.

ses vues du côté de la marine, renonçant a toute idée de conquête pendant la guerre, et ne compromettant pas le salut de la ville. Mais on fit le contraire à tous égards ; et, dans les choses même étrangères à la guerre, l’ambition et la cupidité de quelques citoyens administrèrent les affaires d’une manière funeste à l’état et aux alliés. Avait-on des succès, des particuliers, bien plus que la ville, en recueillaient la gloire et le profit ; échouait-on, c’était un malheur public relativement à la guerre.

Voici la cause de ce changement. Puissant par sa dignité et par sa sagesse, inaccessible à la corruption, Périclès contenait la multitude sans jamais l’humilier : ce n’était pas elle qui le menait, mais lui qui savait la conduire. N’ayant pas acquis son autorité par des voies illégitimes, il ne cherchait pas à flatter le peuple dans ses discours. Fort de l’ascendant qu’il exerçait sur les esprits, il savait les contredire, en s’opposant de front à leur humeur. Quand il les voyait insolens et audacieux à contretemps, il parlait qui leur inspirait une crainte salutaire, et modérait leur fougue. Tombaient-ils mal à propos dans l’abattement, il les relevait et ranimait leur courage. Le gouvernement populaire subsistait de nom ; mais on était en effet sous la domination du premier citoyen. Ceux qui vinrent après lui, plus égaux entre eux, et aspirant au premier rang, étaient réduits à flatter le peuple et à lui abandonner les affaires. De là, comme il doit arriver dans une grande république qui possède l’empire, résultèrent bien des fautes ; entre autres l’expédition de Sicile, qui fut une faute de politique, moins relativement aux forces de ceux qu’on allait attaquer, que sous un autre point de vue : ceux en effet qui la déterminèrent, occupés, non de ce qui était utile pour les soldats envoyés, mais de leurs inimitiés personnelles et de leurs projets de domination, refroidirent l’ardeur des combattans.

Cependant, quoique les Athéniens eussent échoué dans leur entreprise contre la Sicile ; quoique leur armée et la plus grande partie de leur flotte eussent été détruites, que la discorde et les séditions agitassent leur république, ils ne laissèrent pas de résister pendant trois ans à leurs premiers ennemis et aux Siciliens qui vinrent les renforcer, au plus grand nombre de leurs alliés qui se soulevèrent, à Cyrus enfin, fils du grand roi, qui se joignit à la cause de Lacédémone, et qui fournit de l’argent aux Péloponnésiens pour l’entretien de leur flotte. Ils ne succombèrent qu’aux dissensions intestines, et sous les coups qu’eux-mêmes se portèrent mutuellement : tant s’était montré supérieur dans ses calculs le génie de Périclès, qui avait prévu que dans cette guerre du Péloponnèse la république se soutiendrait même sans effort.

Chap. 66. Les Lacédémoniens et leurs alliés se portèrent le même été, avec cent vaisseaux, contre Zacynthe, île située en face (et à l’ouest) de l’Élide. Elle a pour habitans des Achéens, colonie du Péloponnèse et alliés d’Athènes. Mille hoplites lacédémoniens s’embarquèrent sur la flotte, dont Cnémus, Spartiate, avait le commandement. Ils firent une descente et ravagèrent la plus grande partie de l’île ; mais, comme elle ne se rendait pas, ils se retirèrent.

Chap. 67. À la fin du même été, Aristée de Corinthe, les ambassadeurs de Lacédémone, Anériste, Nicolaüs et Stratodème, Timagoras de Tégée, et l’Argien Pollis, qui n’avait point de caractère public, partirent pour l’Asie vers le grand roi : ils devaient l’engager à fournir de l’argent et des troupes auxiliaires. Ils allèrent d’abord en Thrace, chez Si-