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THUCYDIDE, LIV. II.

en récompense de notre courage et du zèle que nous montrâmes au milieu de ces nobles périls. Vous nous traitez bien différemment, vous qui avec nos plus mortels ennemis, les Thébains, venez pour nous asservir. Au nom des dieux qui reçurent nos sermens mutuels et que nous prenons à témoin, au nom des dieux de votre pays et du nôtre, nous vous sommons de ne point ravager le territoire de Platée, de ne pas violer des engagemens sacrés et, conformément au décret de Pausanias, de nous laisser vivre paisiblement sous nos propres lois. »

Chap. 72. « Ce que vous dites, répliqua Archidamus, serait juste, si vos actions répondaient vos discours. Pausanias vous a accordé l’indépendance. Jouissez-en ; mais, avec nous, respectez la liberté des autres alliés, qui partagèrent alors vos dangers, qui furent compris dans le même traité, et qui gémissent aujourd’hui sous le joug d’Athènes. C’est pour les rendre libres, eux et d’autres peuples encore, qu’avec des préparatifs immenses nous avons entrepris cette guerre. C’est vous surtout qui en recueillerez les fruits. Soyez donc aussi fidèles aux sermens ; ou du moins, comme déjà nous vous y avons invités, restez neutres, en cultivant en paix vos campagnes ; recevez chez vous les deux partis comme amis, mais sans embrasser la querelle ni des uns ni des autres. Voilà ce qui nous plaît. »

Les députés rapportèrent cette décision, et après en avoir conféré avec leurs concitoyens, ils représentèrent au roi que les Platéens ne pouvaient accepter ses offres que de l’aveu des Athéniens, chez qui se trouvaient leurs femmes et leurs enfans ; qu’après son départ, ils avaient à craindre ou que les Athéniens ne vinssent s’opposer à la résolution prise, ou que les Thébains, en profitant de l’obligation imposée aux Platéens de recevoir également ceux des deux partis, ne tentassent de s’emparer une seconde fois de leur ville. « Hé bien, leur dit Archidamus pour les rassurer, remettez entre nos mains votre ville et vos maisons ; montrez-nous les bornes de votre territoire ; donnez-nous en compte vos arbres, et tous vos autres effets susceptibles de dénombrement. Retirez-vous où vous voudrez tant que durera la guerre, lorsqu’elle sera finie, nous vous les rendrons. Jusque-là nous garderons le tout en dépôt ; nous cultiverons vos terres, et nous vous fournirons une somme suffisante pour vivre. »

Chap. 73. Rentrés dans la ville, les députés en référèrent à l’assemblée, qui répondit : « Nous voulons d’abord communiquer aux Athéniens ces nouvelles propositions : s’ils les approuvent, nous nous y soumettrons ; mais jusque-là qu’on nous accorde une trève, et qu’on ne ravage pas nos campagnes. » Archidamus y consentit, en fixant la durée de cette trève au nombre de jours nécessaire pour le voyage, et il ne fit aucun dégât. Les députés, arrivés à Athènes, se consultèrent avec les Athéniens, qui les renvoyèrent avec cette réponse : « Platéens, depuis que vous êtes entrés dans notre alliance nous n’avons jamais souffert qu’on vous fît la moindre insulte ; nous ne le souffrirons pas davantage aujourd’hui. Comptez sur le secours de toutes nos forces, et, sans rien innover, restez fidèles à l’alliance jurée par vos pères. »

Chap. 74. En conséquence les Platéens se déterminèrent à ne point se détacher des Athéniens, mais, s’il le fallait, à laisser ravager leurs terres sous leurs yeux et à souffrir les dernières extrémités. Ils résolurent même de ne plus envoyer de députés, mais de répondre