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THUCYDIDE, LIV. II.

Les Stratiens, instruits de leur approche, et croyant que s’ils les battaient tandis qu’ils étaient seuls, les Hellènes n’oseraient plus avancer, semèrent d’embuscades les environs de la ville, et quand ils les virent assez près, ils fondirent sur eux et de la ville et des embuscades. Frappés d’effroi, les Chaones perdirent quantité des leurs. Les autres barbares, les voyant fléchir, n’attendirent pas l’ennemi, et prirent le parti de la fuite. Aucune des deux ailes des Hellènes n’avait connaissance du combat, parce que les barbares s’étaient avancés loin d’eux, et qu’on avait cru qu’ils se hâtaient pour s’assurer d’un camp : mais bientôt ils les voient revenir dans le désordre le plus complet ; ils les recueillent, ne forment plus qu’un seul camp, et s’y tiennent en repos. Les Stratiens n’en venaient pas aux mains, parce que les autres Acarnanes ne s’étaient pas encore réunis, et qu’ils ne pouvaient s’ébranler sans hoplites. Ils harcelaient l’ennemi de loin à coups de fronde, et le réduisaient aux abois.

Chap. 82. La nuit venue, Cnémus, ayant fait retraite en toute diligence sur les bords du fleuve Anapus, qui est à quatre-vingts stades de Stratos, fit transporter les morts par accord, et, sur l’offre amicale des Éniades, se retira sur leurs terres avant que la réunion des Acarnanes se fût effectuée. De là, chacun gagna son pays. Les Stratiens dressèrent un trophée de la victoire remportée sur les barbares.

Chap. 83. La flotte qu’on attendait de Corinthe, et celle des autres alliés, qui toutes deux, parties du golfe de Crisa, devaient se joindre à Cnémus (jonction bien désirable, afin d’empêcher les Acarnanes des côtes de se réunir à ceux de l’intérieur), n’arrivaient point. Elles avaient été contraintes, lors du combat de Stratos, de soutenir un combat contre Phormion et les vingt vaisseaux d’Athènes qui stationnaient à Naupacte. En effet, ce général, voulant les attaquer dans une mer ouverte, les observait au moment où elles longeaient les terres hors du golfe. Or, les Corinthiens et les alliés naviguaient vers l’Acarnanie, beaucoup moins dans l’attente d’un combat naval, que se préparant à une expédition de terre : ils ne croyaient pas que les Athéniens, avec leurs vingt vaisseaux, voulussent se mesurer contre quarante-sept. Cependant, dès qu’ils aperçurent la flotte ennemie voguant contre la leur, qui longeait la côte ; dès que, se dirigeant de Pâtres d’Achaïe vers le continent opposé, sur le littoral de l’Acarnanie, ils eurent vu déboucher de Chalcis et du fleuve Événus cette même flotte qu’ils avaient aperçue à l’entrée de la nuit entrant mystérieusement en rade, dès lors ils furent contrains d’accepter la bataille au milieu du détroit. Chaque république avait ses stratéges qui se préparaient au combat : ceux des Corinthiens étaient Machaon, Isocrate et Agatharchidas.

Les Péloponnésiens disposèrent leurs navires en un cercle le plus étendu possible, sans laisser aucun jour à la faveur duquel on pût enfoncer la ligne, et tenant les proues en dehors, les poupes en dedans. Ils placèrent au centre leurs petits vaisseaux et cinq des meilleurs voiliers, afin qu’ils n’eussent qu’une faible distance à franchir pour sortir de ce centre et se porter sur les points que l’ennemi attaquerait.

Chap. 84. Les vaisseaux athéniens, voguant sur une longue file à la suite l’un de l’autre, tournaient circulairement la flotte ennemie et la resserraient dans un étroit espace, toujours la rasant de près et lui présentant la manœuvre de gens qui vont attaquer. Phormion avait défendu qu’on en vint aux mains