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THUCYDIDE, LIV. III.

niens qui étaient à Naupacte, sous le commandement de Phormion, se dirigèrent, en longeant les côtes, vers Astacus. Ils firent une descente et pénétrèrent dans l’intérieur de l’Acarnanie. Ils avaient quatre cents hoplites athéniens, venus sur la flotte, et autant d’hoplites de Messène. Avec ces forces, ils chassèrent de Stratos, de Coronte et autres endroits, les hommes dont ils soupçonnaient la fidélité ; ils rétablirent à Coronte Cynès, fils de Théolytus ; puis ils remontèrent sur leurs vaisseaux : car ils ne croyaient pas pouvoir attaquer, en hiver, les Éniades, qui furent de tout temps les seuls Acarnanes ennemis d’Athènes. En effet, le fleuve Achéloüs, qui coule du Pinde à travers le pays des Dolopes, des Agraens, des Amphiloques, et la plaine de l’Acarnanie, arrose les murs de Stratos, et, de l’intérieur des terres, se jette dans la mer, en longeant les Éniades, dont il inonde le territoire qui, couvert de marécages, devient en hiver impraticable aux ennemis. La plupart des îles Échinades gissent en face des Éniades, et sont près de l’embouchure de l’Achéloüs. Ce fleuve considérable forme sans cesse de nouvelles alluvions, et plusieurs de ces îles ont été réunies au continent. On croit qu’il ne faudra pas un long espace de temps pour qu’il en soit de même de toutes ; car le cours du fleuve, abondant et rapide, entraîne avec lui beaucoup de limon, et les îles, très rapprochées, se servent l’une à l’autre comme de liens pour arrêter les alluvions. Semées çà et là sans régularité, et se croisant, elles ne laissent aux eaux aucun passage direct vers la mer : d’ailleurs elles sont petites et désertes. On dit qu’Apollon, par un oracle, marqua les Échinades pour retraite à Alcméon, fils d’Amphiaraüs, lorsque ce prince menait une vie errante après le meurtre de sa mère. Le dieu lui avait donné à entendre qu’il ne serait délivré de ses terreurs, qu’après avoir trouvé pour habitation un lieu que n’eût pas encore vu le soleil et qui ne fût pas encore terre quand il avait tué sa mère, parce que son crime avait souillé toute la terre. Alcméon, long-temps incertain, crut enfin découvrir dans cet atterrissement formé par l’Achéloüs, le lieu de refuge que lui avait désigne l’oracle, et il jugea que depuis si long-temps qu’il errait par suite de son parricide, les alluvions du fleuve avaient eu le temps de préparer une habitation suffisante à sa personne. Il s’établit donc aux Éniades et autres lieux qui en dépendent : il y régna, et laissa le nom d’Acarnan, son fils, à cette contrée.

Chap. 103. Telle est la tradition que nous avons reçue touchant Alcméon. Quant aux Athéniens et à Phormion, partis de l’Acarnanie, ils retournèrent à Athènes au commencement du printemps. Ils amenèrent les hommes de condition libre pris dans les batailles navales, qui furent ensuite échangés homme pour homme, et transportèrent aussi les vaisseaux dont ils s’étaient rendus maîtres. Cet hiver finit, et avec lui la troisième année de la guerre que Thucydide a écrite.




LIVRE TROISIÈME.

Chapitre premier. L’été qui suivit cet hiver, le blé étant dans toute sa force, les Péloponnésiens et les alliés firent une invasion dans l’Attique, sous le commandement d’Archidamus, fils de Zeuxidamus, roi de Lacédémone, prirent des campemens, et ravagèrent le pays. La cavalerie athénienne, suivant sa coutume, saisissait toutes les occasions de fondre sur eux : elle arrêtait le gros des coureurs, les empêchait de se

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