Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
THUCYDIDE, LIV. III.

pouvant plus soutenir le siége, entrèrent en composition avec les Péloponnésiens. Ceux-ci avaient livré un assaut que les assiégés n’avaient pas eu la force de repousser. Mais le général lacédémonien, quoique instruit de leur faiblesse, ne voulait pas prendre la place de vive force. Il en avait même reçu la défense expresse, afin que, si, la paix venant un jour à se conclure, on stipulait dans le traité que de part et d’autre on se rendrait les villes conquises, Sparte ne fût pas dans le cas de restituer Platée, qui se serait volontairement rendue. Il envoya donc un héraut leur demander s’ils consentaient à se remettre d’eux-mêmes entre les mains des Lacédémoniens, et à les prendre pour juges, avec promesse qu’alors on punirait les coupables seuls, mais qu’on n’en condamnerait aucun que dans les formes juridiques. Réduits aux dernières extrémités, ces malheureux ouvrirent leurs portes, et pendant quelques jours on leur fournit des vivres, jusqu’à l’arrivée des cinq juges députés de Lacédémone. Ils comparaissent. Sans proposer aucun chef d’accusation, on se bornait à leur adresser cette unique question : « Dans le cours de la guerre, avez-vous rendu des services aux Lacédémoniens et à leurs alliés ? » Ils prièrent qu’on leur permît de s’étendre sur leur justification, et chargèrent de leur cause Astymaque, fils d’Asopolaüs, et Lacon, fils d’Emneste, qui jouissait à Sparte du droit public d’hospitalité. L’un d’eux, s’avançant, prononça ce discours :

Chap. 53. « Lorsque, pleins de confiance en vous, Lacédémoniens, nous vous avons livré notre ville, loin de nous attendre à la forme du jugement que vous nous faites subir, nous espérions qu’elle serait plus tutélaire ; et si nous vous avons, à l’exclusion de tous autres, acceptés pour juges, c’est que nous étions persuadés que nous n’avions pas de plus sûr moyen d’obtenir un arrêt conforme à l’équité. Mais nous craignons bien aujourd’hui de nous voir déçus dans l’une et l’autre opinion. N’avons-nous pas lieu en effet de redouter et les plus grands dangers pour nos personnes, et beaucoup de partialité de votre part ? Ce qui semble ne justifier que trop nos soupçons, c’est qu’on n’a pas commencé par produire des accusations que nous eussions à détruire ; nous avons au contraire été réduits à demander comme une grâce qu’il nous fût permis de parler. Une courte interpellation nous est adressée : si notre réponse est vraie, nous sommes perdus ; si elle est fausse, on peut aisément nous convaincre de mensonge. Pressés donc de toute part, nous sommes obligés de prendre la voie la plus sûre, et de hasarder au moins quelques mots pour nous justifier : car, dans notre situation actuelle, si nous gardions le silence, on pourrait nous reprocher d’avoir négligé un moyen de salut. À ces difficultés de notre position se joint encore la difficulté de persuader. Si nous étions inconnus les uns aux autres, nous croirions servir notre cause en alléguant en notre faveur des faits ignorés de vous, mais nous parlons devant des juges parfaitement instruits, et nous craignons, non que vous ayez reconnu d’avance que nos services ne sont pas proportionnés aux vôtres, et que vous ne fondiez là-dessus notre condamnation, mais que, nous sacrifiant à autrui, vous ne nous soumettiez à un jugement déjà prononcé.

Chap. 54. » Nous n’en proposerons pas moins nos légitimes moyens de défense, soit relativement à nos démêlés avec les Thébains, soit par rapport à vous et aux autres Hellènes ; et nous tenterons de vous fléchir en vous rappelant le souvenir de nos services. À cette