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THUCYDIDE, LIV. III.

née, n’avons-nous pas délivré la Béotie ? Et maintenant, manquons-nous de zèle pour vous seconder, et rendre aux autres la liberté, nous qui fournissons plus de cavalerie et de tout ce qui est nécessaire a cette noble entreprise, qu’aucun des alliés ? Voilà notre réponse au reproche d’avoir été partisans des Mèdes.

Chap. 63. » Que vous-mêmes, Platéens, vous ayez fait beaucoup de mal aux Hellènes, et qu’il n’y ait pas de supplice que vous ne méritiez, c’est ce que nous allons essayer de prouver. C’est, dites-vous, pour repousser nos attaques que vous êtes devenus alliés et citoyens d’Athènes. Il fallait donc exciter les Athéniens contre nous seuls, sans marcher avec eux contre d’autres peuples de l’Hellade ; et s’ils vous entraînaient malgré vous dans quelques entreprises, il ne tenait qu’à vous de réclamer cette alliance que vous aviez contractée avec Lacédémone contre les Mèdes, et que vous faites tant valoir. Elle suffisait, sans doute, pour vous mettre à l’abri de nos attaques, et, ce qui est bien important, pour vous mettre au-dessus de toute crainte dans vos délibérations. Mais, nous le répétons, c’est de votre propre mouvement, et sans nulle contrainte, que vous avez préféré l’alliance des Athéniens. Et vous dites qu’il eût été honteux de trahir des bienfaiteurs ! Certes, il était bien plus honteux et bien plus injuste de trahir tous les Hellènes, à qui vous liaient vos sermens, que les seuls Athéniens. Ceux-ci asservissaient l’Hellade ; les autres combattaient pour l’affranchir. Vous leur avez témoigné une reconnaissance qui n’était ni proportionnée aux bienfaits reçus, ni exempte de blâme : car à vous entendre, vous ne les appeliez que pour vous soustraire à l’oppression, et vous deveniez complices de leur tyrannie. Est-il donc plus honteux de ne pas égaler la reconnaissance aux services reçus, que d’acquitter des dettes avouées, il est vrai, par la justice, mais que l’on paie à l’injustice ?

Chap. 64. » Certes vous avez montré assez clairement que si autrefois, seuls, vous ne suivîtes pas le parti des Mèdes, ce fut parce que les Athéniens ne l’embrassaient pas, et non par bienveillance pour l’Hellade. N’ayant voulu qu’imiter les uns et faire le contraire de ce que faisaient les autres, vous prétendez aujourd’hui tirer avantage d’une bravoure de servitude. Mais cela n’est pas juste. Vous avez embrassé par choix le parti des Athéniens ; défendez-vous par leur secours, et n’alléguez pas les sermens qui vous lièrent jadis avec Lacédémone, ne vous en faites pas un bouclier contre le danger présent. Vous les avez violés ces sermens, et, par suite de cette infraction, vous avez contribué à l’asservissement des Éginètes et de plusieurs autres alliés, que vous deviez défendre. Et ce n’était point contre votre gré, puisque, régis par ces mêmes lois qui vous régissent encore, vous n’étiez pas contraints comme nous l’avons été. La dernière sommation qu’avant le siége on vous fit de rester en paix et d’observer la neutralité, vous l’avez rejetée. Qui donc plus que vous mérite la haine de tous les Hellènes, vous qui avez fait servir votre valeur à leur perte ? Ce qu’il y a de louable dans votre conduite, ne vous appartient pas ; vous venez de le démontrer ; ce qui est propre à votre nature, ce que vous avez constamment voulu, les faits l’ont révélé ; car vous n’avez suivi les Athéniens que parce qu’ils marchaient dans la route de l’iniquité. Nous en avons dit assez pour mettre au grand jour ce que furent et notre adhésion forcée au parti des Mèdes, et votre dévouement bien volontaire à la cause d’Athènes.