Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
THUCYDIDE, LIV. IV.

nation pour Lacédémone. Comme il était, dans ces derniers temps, le premier qui fût sorti de sa patrie, et qu’il semblait réunir en sa personne toutes les perfections, on croyait fermement que tous ses concitoyens lui ressemblaient.

Chap. 82. Les Athéniens, instruits de son arrivée dans l’Épithrace, déclarèrent ennemi de la république Perdiccas, auquel ils imputaient cette irruption, et tinrent encore plus qu’auparavant les yeux ouverts sur les alliés de ces parages.

Chap. 83. Perdiccas, joignant ses forces aux troupes de Brasidas, fit aussitôt la guerre à son ennemi Arrhibée, fils de Bromère, roi des Lyncestes-Macédoniens, dont les états touchaient aux siens, et qu’il voulait détrôner. L’armée était près de fondre sur Lyncus : Brasidas déclara qu’avant de commencer les hostilités, il voulait avoir des conférences avec le prince, et essayer s’il pourrait l’engager dans l’alliance de Lacédémone. En effet, Arrhibée avait déjà fait annoncer par un héraut qu’il était prêt à reconnaître ce général pour arbitre ; d’ailleurs les députés de la Chalcidique qui étaient présens, voulant disposer ce prince à se mieux prêter à leurs propres intérêts, lui conseillaient de ne pas accéder inconsidérément aux décisions de Perdiccas, lesquelles auraient de funestes résultats. En outre, les députés envoyés par Perdiccas même à Lacédémone avaient assuré qu’Arrhibée ferait entrer dans l’alliance de cette république bien des pays circonvoisins. Brasidas crut donc devoir convertir l’affaire d’Arrhibée en une affaire commune. En vain Perdiccas représenta qu’il avait mandé le général lacédémonien non comme juge de ses querelles avec le roi des Lyncestes, mais pour être délivré par son secours des ennemis qu’il lui désignerait, et qu’on ne pouvait sans injustice, pendant qu’il nourrissait la moitié des troupes, entrer en conférence avec Arrhibée. Malgré ces réclamations, Brasidas prit connaissance des différends des deux princes, et persuadé par les raisons du roi des Lyncestes, il retira son armée avant qu’elle fût entrée sur ses terres. Perdiccas, se prétendant offensé, ne fournit plus qu’un tiers des subsistances au lieu de la moitié.

Chap. 84. Le même été, Brasidas ne se vit pas plus tôt fort du concours des Chalcidiens, qu’il porta ses armes sur l’Acanthe, colonie des Andriens : c’était un peu avant le temps des vendanges. Ceux des habitans qui, de concert avec les Chalcidiens, l’avaient appelé, voulaient qu’on lui ouvrît les portes ; le peuple s’y opposait. Brasidas proposa à la multitude de le laisser entrer seul, et de ne délibérer qu’après l’avoir entendu. On craignait pour le fruit, qui était encore sur pied : le général fut introduit. Pour un Lacédémonien, il n’était pas sans éloquence ; il parla en ces termes :

Chap. 85. « Citoyens d’Acanthe, les Lacédémoniens, en m’envoyant ici avec une armée, vous prouvent par le fait qu’ils parlaient sincèrement, quand au commencement de cette guerre, ils déclarèrent qu’elle était entreprise pour la liberté de l’Hellade. Alors nous espérions réduire les Athéniens promptement et seuls, sans que vous eussiez à prendre part au danger. Trompés dans notre opinion sur la durée de la guerre en Attique, si nous avons tardé de venir ici, que personne ne nous en fasse un crime. Nous avons saisi la première occasion favorable, pour arriver : secondés de vos efforts, nous tâcherons de compléter la défaite de l’ennemi commun. Je suis étonné que vos portes m’aient été fermées, et que vous ne m’ayez pas reçu à bras ouverts. Des Lacédémoniens avaient droit de penser qu’ils allaient