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THUCYDIDE, LIV. IV.

mer, d’autres vers Orope, d’autres vers le mont Parnès ; chacun enfin du côté où il espérait trouver son salut. Les Béotiens, surtout leur cavalerie, et les Locriens, qui survinrent à l’instant de la déroute, poursuivirent et massacrèrent les fuyards. La nuit vint à propos mettre fin à ce carnage, et donner au grand nombre la facilité de se sauver. Le lendemain, les débris de l’armée athénienne, réfugiés à Orope et à Délium, après avoir laissé garnison dans Délium [qu’ils n’avaient pas cessé d’occuper], se retirèrent chez eux par mer.

Chap. 97. Les Béotiens dressèrent un trophée, enlevèrent leurs morts, dépouillèrent ceux des ennemis, et, laissant une garde, retournèrent à Tanagra, comme pour attaquer Délium. Un héraut que les Athéniens envoyaient réclamer les morts, rencontra un héraut béotien qui le fit retourner sur ses pas, l’assurant qu’il n’obtiendrait rien que lui-même ne fût de retour. Celui-ci se présenta aux Athéniens, et leur dit, de la part de ceux qui l’envoyaient, qu’ils n’avaient pu, sans crime, enfreindre les lois de l’Hellade ; que c’en était une, reconnue par tous les Hellènes, quand ils attaquaient le pays les uns des autres, de respecter les hiérons ; que les Athéniens avaient entouré de murailles Délium ; qu’ils s’y étaient logés, faisant tout ce qu’on peut se permettre dans un lieu profane, puisant même, pour les usages de l’armée, une eau à laquelle les Béotiens se gardaient de toucher, excepté lorsqu’il s’agissait de laver leurs mains pour les sacrifices ; qu’ainsi, au nom du dieu et d’eux-mêmes, les Béotiens, attestant les dieux de la contrée et Apollon, leur ordonnaient de se retirer de l’hiéron, et d’emporter tout ce qui leur appartenait.

Chap. 98. Le héraut ayant ainsi parlé, les Athéniens dépêchèrent le leur, et le chargèrent de dire aux Béotiens qu’ils n’avaient commis aucune profanation dans l’hiéron, et qu’ils n’en commettraient volontairement aucune à l’avenir ; qu’ils y avaient pénétré, non dans des intentions sacriléges, mais pour s’en faire un lieu de défense contre les agressions des Béotiens ; que les Hellènes avaient pour loi, quand ils étaient maîtres d’un pays, soit de grande, soit de petite étendue, de se croire maîtres aussi des hiérons qui s’y trouvaient, en continuant le culte adopté chez les peuples qui les honoraient, autant du moins qu’il était en leur pouvoir ; que les Béotiens eux-mêmes, comme la plupart des autres peuples, lorsqu’ils s’emparaient d’un pays par la force et qu’ils en chassaient les habitans, entraient en possession des hiérons étrangers et s’en estimaient légitimes propriétaires ; que si eux, Athéniens, avaient pu se rendre maîtres d’une plus grande partie de la Béotie, ils l’auraient fait ; qu’ils ne se retireraient pas volontairement de celle qu’ils occupaient et qu’ils regardaient comme leur bien ; qu’ils avaient fait usage de l’eau par nécessité et non par mépris, contraints de se défendre contre ceux qui, les premiers, avaient fait des invasions sur leurs terres ; qu’on pouvait croire que ce qu’on était obligé de se permettre en guerre et dans le danger, était excusé et autorisé par la divinité ; que même leurs autels étaient un refuge pour ceux qui devenaient coupables involontairement ; qu’on appelait criminels ceux qui faisaient du mal sans nécessité, et non ceux qui osaient se permettre certaines choses dans le malheur ; que les Béotiens, en exigeant la remise des hiérons pour prix de la reddition des morts, montraient bien plus d’irreligion que ceux qui refusaient de livrer les hiérons pour obtenir ce qu’ils avaient droit d’attendre [sans cette condition]. Le héraut