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THUCYDIDE, LIV. IV.

troupes méprisables, dont le courage ne se manifeste que de loin et avant le combat, par de bruyantes et vaines menaces. Mais, dès qu’on leur cède, ne voyant plus de danger à courir, elles montrent leur valeur en poursuivant avec légèreté les fuyards. »

Chap. 127. Après ce discours, Brasidas fit faire à son armée un mouvement rétrograde. Les barbares, s’apercevant de cette manœuvre, s’avancèrent en tumulte, poussant de grands cris, persuadés que les Hellènes fuyaient, et que, pour les détruire, il suffisait de les atteindre. Mais quand, partout où ils se présentaient, les coureurs firent face ; quand Brasidas lui-même, avec ses hommes d’élite, repoussa leurs attaques, lorsqu’ils virent que, contre leur attente, on résistait à l’impétuosité de leur premier choc ; qu’on tenait ferme contre eux, et que l’on continuait à se retirer dès qu’ils cessaient d’attaquer, alors la plupart renoncèrent à poursuivre en pleine campagne les Hellènes commandés par Brasidas : ils laissèrent seulement une partie de leur monde pour le suivre et le harceler ; les autres prirent leur course à la suite des Macédoniens, et tuèrent tout ce qu’ils purent atteindre. Ils allèrent se saisir d’une gorge qui est entre deux collines, sur les confins de la domination d’Arrhibée, sachant que Brasidas n’avait pas d’autre chemin à prendre dans sa retraite ; ils le cernèrent dès qu’ils le virent en approcher, se croyant certains de le prendre dans ce sentier difficile.

Chap. 128. Il vit leur dessein, et commanda aux trois cents qui étaient avec lui de courir, sans garder de rangs, et avec toute la célérité dont chacun d’eux serait capable, à celle des deux collines dont il lui semblait plus facile de s’emparer ; de tâcher d’en repousser les barbares, qui déjà commençaient à la gagner, et de les prévenir avant qu’ils ne se fussent formés en plus grand nombre pour l’investir. Ils partent, tombent sur les ennemis, et occupent la colline. Le corps d’armée des Hellènes parvient sans peine ; car les barbares, mis en déroute par des hommes qui les repoussaient d’un lieu supérieur, sont frappés d’épouvante. Ils renoncent à poursuivre les Hellènes, qu’ils considèrent comme ayant touché les frontières d’un peuple ami, et comme étant désormais hors de leurs insultes. Brasidas, après avoir gagné les hauteurs, continua sa marche avec plus de sûreté, et arriva le même jour à Arnisse, ville qui était sous la domination de Perdiccas. Les soldats, irrités de la désertion des Macédoniens, brisaient ou enlevaient tout ce qu’ils rencontraient sur leur route, voitures attelées de bœufs, et ustensiles de toute espèce, qui avaient été égarés en chemin, comme il arrive dans une retraite que font de nuit des gens effrayés. Dès-lors Perdiccas regarda Brasidas comme son ennemi ; et, sans nourrir dans son cœur contre le Péloponnèse une haine qui ne pouvait être chez lui un sentiment habituel, puisqu’il détestait les Athéniens, échappé à de grands dangers, il chercha tous les moyens de s’accommoder au plus tôt avec Athènes et de se détacher des Péloponnésiens.

Chap. 129. Brasidas, à son retour de Torone, trouva les Athéniens déjà maîtres de Mendé. Ne se croyant pas en état de passer dans la Pallène et de se venger des Athéniens, il se tint en repos, et se contenta de mettre Torone en état de défense. Pendant qu’il avait été occupé à Lyncus, les Athéniens, qui s’étaient préparés à reprendre Mendé et Scione, étaient arrivés avec cinquante vaisseaux, dont dix de Chio, mille hoplites fournis par l’Attique, six cents