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THUCYDIDE, LIV. V.

Chap. 88. Les Méliens. « Il est naturel et pardonnable dans notre situation de se retourner en tout sens, de concevoir des craintes et de vouloir s’expliquer : toutefois cette assemblée a pour objet le salut de notre patrie ; que la conférence, puisque vous le voulez, se tienne donc dans la forme que vous prescrivez. »

Chap. 89. Les Athéniens. « Nous n’emploierons donc pas non plus des paroles spécieuses ni de longs discours pour démontrer, ce que vous ne croiriez pas, que nous réclamons un empire mérité par la défaite des Mèdes, que nous venons pour venger les injures que vous nous avez faites ; et, de notre côté, nous n’admettons pas que, colonie lacédémonienne, vous ayez dû refuser de joindre vos armes aux nôtres, et que vous n’avez aucun tort à notre égard. Mais nous demanderons que chacun, de part et d’autre, règle ses prétentions sur ses forces, et cela d’après les idées vraies que chacun doit se former. Nous savons parfaitement, vous et nous, que parmi les hommes on ne discute les droits de la justice que quand la force coactive est égale entre les deux parties ; que ceux qui ont l’avantage de la puissance, exigent tout ce qui est possible, et que les faibles accordent tout ce qu’on exige d’eux. »

Chap. 90. Les Méliens. « En mettant ainsi de côté les droits de la justice, vous ne présenterez que des motifs d’intérêt. Eh bien ! à ne considérer, comme vous, que l’intérêt, nous croyons utile de ne pas donner au monde un funeste exemple de pusillanimité, et de ne pas renoncer à un bien qui appartient non pas à nous particulièrement, mais à tous les hommes. Il faut que celui qui, dans chaque circonstance, se trouvera exposé au danger, puisse en sortir à des conditions justes et raisonnables ; qu’il ait lieu de se flatter que, par voie de persuasion, il obtiendra même au-delà de ce qui lui est dû. Ce principe vous est aà vous-mêmes d’autant plus avantageux, que, si vous receviez un échec, vous serviriez de modèle à d’autres, qui alors deviendraient implacables dans leur vengeance. »

Chap. 91. Les Athéniens. « Nous n’envisageons pas avec découragement le terme de notre prééminence, quand même elle viendrait à cesser ; car le commandement de peuples tels que les Lacédémoniens ne serait pas redoutable aux vaincus. D’ailleurs il n’est pas ici question des Lacédémoniens ; il s’agit d’empêcher que des sujets agresseurs ne prennent le dessus. Quant aux chances de notre domination, qu’on nous en laisse courir les risques. Ce dont nous voulons vous convaincre, c’est qu’étant ici pour défendre nos droits, nous vous parlons en même temps pour le salut de votre république. Nous voulons vous épargner une funeste résistance, et vous conserver, dans votre intérêt et dans le nôtre. »

Chap. 92. Les Méliens. « Et comment serait-il dans notre intérêt de servir comme il est dans le vôtre de commander ? »

Chap. 93. Les Athéniens. « Vous y gagnerez de vous être soumis avant d’y être forcés par les derniers malheurs, et nous-mêmes gagnerions à ne pas ruiner votre ville. »

Chap. 94. Les Méliens. « De sorte que si nous vous proposions de rester en paix, de devenir d’ennemis vos amis, et de demeurer neutres, vous n’accepteriez pas ces conditions ? »

Chap. 95. Les Athéniens. « Non ; car votre haine ne nous nuirait pas autant que votre amitié : accepter votre amitié serait, aux yeux des peuples à qui nous commandons, un acte de faiblesse ;