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THUCYDIDE, LIV. V.

que, dans une seule délibération, suivant que vous toucherez le but ou que vous vous en écarterez, vous déciderez de son salut ou de sa ruine. »

Chap. 112. Les Athéniens sortirent, et les Méliens, restés seuls, après avoir débattu les opinions diverses, s’en tinrent à leur premier avis, et firent cette réponse : « Athéniens, nous n’avons point changé de sentiment, et l’on ne nous verra pas détruire en un instant la liberté d’une ville que nous habitons depuis sept cents ans. Pleins de confiance dans la fortune, qui, grâce aux dieux, nous a conservés jusqu’à présent, et comptant sur les secours des Lacédémoniens, nous tenterons tous les moyens d’assurer notre salut. Écoutez cependant encore : nous deviendrons vos amis, pourvu que nous ne soyons ennemis d’aucun parti, et que vous quittiez notre pays, après avoir conclu le traité qui paraîtra le plus utile aux uns et aux autres. »

Chap. 113. Les Athéniens alors sortirent de l’assemblée en disant : « Ainsi, de toutes vos délibérations, il résulte que, seuls parmi les hommes, vous jugez l’avenir plus visible que le présent, et que les événemens enveloppés du voile le plus épais, vous les voyez, trompés par l’impatience de vos désirs, comme se passant sous vos yeux. Les Lacédémoniens, la fortune, vos espérances, tels sont les principaux fondemens de votre confiance : en bien ! cette confiance vous perdra. »

Chap. 114. Les députés d’Athènes regagnèrent leur camp. Les généraux, apprenant qu’ils n’avaient pu rien gagner sur l’esprit des Méliens, se décidèrent à employer la force des armes, entourèrent Mélos d’un mur de circonvallation, partagèrent ce travail par villes, laissèrent, sur terre et sur mer, une garde composée d’Athéniens et d’alliés, et remmenèrent la plus grande partie de leurs troupes. Celles qui restèrent tinrent la place investie.

Chap. 115. Vers le même temps, les Argiens se jetèrent sur le territoire de Phlionte. Il en périt environ quatre vingts dans une embuscade que leur dressèrent les Phliasiens et les bannis de Phlionte. Les Athéniens de Pylos firent un grand butin sur les Lacédémoniens. Ceux-ci, piqués de cette insulte, usant de représailles, sans cependant annuler la trève, annoncèrent, par la voix du héraut, qu’on permettait le pillage sur les terres des Athéniens. Quant aux Corinthiens, ils prirent les armes contre Athènes, pour quelques différends particuliers ; mais les autres peuples du Péloponnèse se tinrent en repos.

Les Méliens attaquèrent de nuit une partie du mur construit par les Athéniens, celle qui regardait l’agora, tuèrent des hommes, emportèrent le plus possible de vivres et d’effets, et bornèrent la leurs hostilités. Les Athéniens firent dans la suite meilleure garde.

L’été finissait.

Chap. 116. Au commencement de l’hiver, les Lacédémoniens allaient porter la guerre dans les campagnes d’Argos ; mais, les sacrifices offerts sur la frontière n’ayant pas donné d’heureux présages, ils revinrent sur leurs pas. Pendant qu’ils différaient cette entreprise, ceux d’Argos jugèrent suspects quelques-uns de leurs concitoyens : plusieurs furent arrêtés, d’autres s’échappèrent.

Vers le même temps, les Méliens enlevèrent une autre partie du mur mal gardée. Mais il vint ensuite d’Athènes une seconde armée commandée par Philocrate, fils de Déméas. La place fut alors vivement assiégée ; mais une trahison obligea bientôt les habitans de se remettre à la discrétion des Athéniens. Ceux-