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THUCYDIDE, LIV. VI.

ils retournèrent à Catane : car on était en hiver, et ils se croyaient hors d’état de continuer la guerre avant qu’Athènes et ses alliés de Sicile leur eussent envoyé de la cavalerie, pour qu’ils cessassent d’avoir dans cette partie une complète infériorité. Ils voulaient aussi recueillir de l’argent et de la Sicile et d’Athènes, et mettre dans leurs intérêts quelques villes, qu’ils espéraient trouver, après cette bataille, plus disposées à l’obéissance. Enfin, ils songeaient à se procurer des munitions de bouche et tout ce dont ils avaient besoin pour commencer au printemps leurs attaques contre Syracuses.

Chap. 72. Dans ce dessein, ils se retirèrent à Naxos et à Catane, pour y prendre les quartiers d’hiver. Les Syracusains ensevelirent leurs morts et convoquèrent une assemblée. Là parut à la tribune Hermocrate, fils d’Hermon, personnage qui, ne le cédant en sagesse à personne, était d’ailleurs aussi distingué par son expérience militaire que par sa valeur. Il s’efforça de rassurer ses compatriotes, les exhortant à ne pas se laisser abattre par un échec : il leur disait qu’on n’avait pas vaincu leurs âmes ; que le défaut de discipline seul leur avait nui ; que cependant ils n’avaient pas montré autant d’infériorité qu’on pourrait croire, surtout ayant eu, eux hommes privés ou novices dans l’art des combats, à lutter contre les guerriers les plus expérimentés de l’Hellade ; que ce qui leur avait été funeste, c’était le grand nombre de généraux (ils étaient quinze), le partage du commandement, l’anarchie parmi une foule de guerriers postés sans ordre ; que s’ils nommaient un petit nombre de généraux expérimentés, s’ils exerçaient les troupes pendant l’hiver, si, pour avoir beaucoup d’hoplites, ils donnaient des armes à ceux qui en manquaient, s’ils les forçaient à remplir toutes les parties du devoir militaire, ils seraient probablement vainqueurs ; qu’ils avaient déjà le courage, qu’il fallait y joindre la science militaire ; que ces deux qualités s’accroîtraient, l’habileté, en s’exerçant au milieu des dangers, le courage, en se rendant supérieur à lui-même par la confiance que donne l’habileté. Il fallait, ajoutait-il, élire peu de généraux, les munir de pleins pouvoirs, et s’engager envers eux, par serment, à obéir aux ordres émanés de leur prudence. Ainsi les opérations qui devaient être secrètes, resteraient ignorées ; tout s’exécuterait en bon ordre, et sans qu’on osât opposer de vaines excuses.

Chap. 73. Les Syracusains, après l’avoir entendu, n’hésitèrent point à changer tous ses avis en décrets, et l’élurent lui-même général, avec Héraclite, fils de Lysimaque, et Sicanus, fils d’Exéceste : trois en tout. Ils députèrent à Corinthe et à Lacédémone, pour en obtenir des secours, et engager les Lacédémoniens à se déclarer ouvertement et à pousser plus vigoureusement la guerre en leur faveur contre les Athéniens : ce qui mettrait ceux-ci dans la nécessité de quitter la Sicile, ou du moins les empêcherait d’envoyer autant de renforts à leur armée.

Chap. 74. Les Athéniens qui étaient à Catane se dirigèrent aussitôt contre Messène, dans l’idée que cette place allait leur être livrée : mais les intrigues qu’ils y avaient pratiquées ne réussirent pas. Alcibiade, qui en avait connaissance, rappelé du commandement et sachant bien qu’il partait pour l’exil, avertit de ces menées les partisans que Syracuse avait à Messène. Ceux-ci commencèrent par mettre mort tous ceux de leurs concitoyens qui trempaient dans le complot, et, se trouvant en armes au milieu du tumulte qu’ils avaient ex-