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THUCYDIDE, LIV. VII.

couverte, avec ordre de se mettre en station dans les parages des Locriens et de Rhégium, et aux abords de la Sicile.

Chap. 5. Cependant Gylippe bâtissait la muraille qui traversait Épipoles, des pierres mêmes que les Athéniens y avaient amassées pour leurs propres ouvrages. En même temps il amenait en dehors des fortifications les troupes de Syracuses et des alliés, et les mettait en ordre de bataille. Les Athéniens, de leur côté, se rangeaient en présence. Quand Gylippe crut le moment favorable, il commença l’attaque. On en vint aux mains, et l’affaire se passa dans l’intervalle des retranchemens ; ce qui rendait inutile la cavalerie de Syracuses et des alliés. Les Syracusains, vaincus, enlevèrent leurs morts par accord. Les Athéniens dressèrent un trophée.

Gylippe assembla ses troupes, et leur représenta que ce n’était point à elles-mêmes, mais à lui seul, qu’il fallait imputer leur malheur ; qu’en les mettant en bataille à l’étroit dans l’espace qui séparait les retranchemens, il s’était ôté l’usage de la cavalerie et des gens de trait. Il leur annonça qu’il allait de nouveau les mener à l’ennemi. Il les invitait à se mettre bien dans l’esprit qu’elles ne seraient pas inférieures en forces ; quant aux dispositions de l’âme, il leur serait impardonnable, à eux Péloponnésiens et Doriens, de se croire incapables de vaincre et de chasser de leur pays des Ioniens, des insulaires, le rebut des nations.

Chap. 6. Le moment arrivé, il les mena de nouveau à l’ennemi. Nicias et les Athéniens pensaient de leur côté que, quand même ils ne voudraient pas engager l’action, ils ne pouvaient d’un œil tranquille voir s’élever et s’achever la contrevallation de l’ennemi. En effet il s’en fallait de peu qu’elle ne dépassât leurs travaux, et si elle venait à les excéder, ce serait la même chose pour eux de vaincre dans une suite de combats sans cesse répétés, ou de ne pas combattre du tout. Les troupes d’Athènes s’avancèrent donc à la rencontre de Gylippe. Celui-ci, avant d’attaquer, conduisit les hoplites plus en avant des tranchées que la première fois ; il disposa la cavalerie et les gens de trait de manière à prendre en flanc les Athéniens, et les posta dans un lieu spacieux, à l’endroit où se terminaient les retranchemens des deux armées. La cavalerie, pendant l’action, fondit sur l’aile gauche des Athéniens, qui lui était opposée, et la mit en fuite. Par suite de cette manœuvre, le reste de l’armée, battu, se retira en désordre dans ses lignes. Les Syracusains eurent le temps, la nuit suivante, et d’élever leur muraille près de celle des Athéniens, et de la prolonger au-delà, en sorte qu’ils n’avaient plus à redouter de la part de l’ennemi aucun empêchement, et qu’ils lui ôtaient absolument le moyen de les renfermer, même en gagnant une bataille.

Chap. 7. Le reste des vaisseaux de Corinthe, d’Ampracie et de Leucade, au nombre de douze, arriva sans avoir été rencontré par les vaisseaux d’observation d’Athènes. Érasinidas de Corinthe les commandait. Ils aidèrent les Syracusains à conduire leurs retranchemens jusqu’au mur transversal. Gylippe partit dans le dessein de lever dans les autres parties de la Sicile des troupes de terre et de mer, et d’engager dans la fédération des villes qui n’avaient encore montré que peu de zèle, ou qui même n’avaient voulu prendre aucune part à la guerre. D’autres députés, syracusains et corinthiens, furent dépêchés à Lacédémone et à Corinthe, pour y solliciter encore une nouvelle armée : elle passerait sur des vaisseaux de charge, sur de petits bâti-