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THUCYDIDE, LIV. VII.

restait bien soixante aux Athéniens, tandis que les Syracusais en avaient moins de cinquante. Nicias était du même avis ; mais, quand ils voulurent en venir à l’exécution, les équipages refusèrent le service : consternés, ils se croyaient désormais incapables de vaincre ; ils avaient tous la même pensée, celle de se retirer par terre.

Chap. 73. Hermocrate de Syracuses la devina. Il jugea fort dangereux qu’une armée si nombreuse fît retraite par terre, et s’arrêta dans quelque partie de la Sicile, d’où elle ferait encore la guerre. Il va trouver les magistrats, communique ses idées, représente qu’on ne doit pas souffrir que les Athéniens se retirent de nuit ; qu’il faut que tous les Syracusains, que tous les alliés, sortent, bouchent les issues, s’emparent des defilés et les gardent. Les magistrats, partageant complètement son opinion, trouvaient ces mesures nécessaires ; mais ils ne croyaient pas qu’un peuple livré à la joie, qui avait besoin de repos, surtout dans un jour de fête (car ce jour-là précisément tombait la fête d’Hercule), pût obéir aisément. Dans l’ivresse de la victoire, la plupart célébraient la fête en buvant, et la dernière chose qu’on pût espérer de leur persuader était de prendre les armes et de sortir contre l’ennemi. Les magistrats jugeaient cette difficulté insurmontable. Hermocrate, voyant qu’il ne gagnait rien sur eux, s’avisa d’une ruse. De peur que les Athéniens, devançant ses projets, ne franchissent à loisir, pendant la nuit, la partie la plus difficile de la route, il fit passer à leur camp, vers la chute du jour, quelques-uns de ses amis avec des cavaliers. Ils s’approchent à portée de la voix, appellent à eux, comme amis, quelques Athéniens [car plusieurs Syracusains venaient donner des avis à Nicias sur ce qui se passait dans la ville], disent à ce général de ne point se mettre en marche cette nuit, parce que les passages étaient gardés, mais de se préparer tranquillement à opérer sa retraite le lendemain. La commission remplie, ils partent. Ceux qui les avaient écoutés, font leur rapport aux généraux.

Chap. 74. Ceux-ci ne firent aucun mouvement pendant la nuit, ne soupçonnant point de ruse. N’étant pas partis sur-le-champ, ils jugèrent encore à propos de s’arrêter le lendemain, afin que les soldats, autant que les conjonctures le permettaient, eussent le temps de prendre le strict nécessaire pour vivre ; car on laissait tout le reste. Gylippe et les Syracusains sortirent avec de la cavalerie, allèrent en avant, obstruèrent les chemins que pouvaient prendre les ennemis, gardèrent les passages des ruisseaux et des rivières, et se mirent en ordre pour les recevoir dans les endroits où ils estimaient cette précaution nécessaire ; puis, mettant en mer pour écarter de la côte les vaisseaux ennemis, ils en brûlèrent quelques-uns que les Athéniens avaient eu l’intention de brûler eux-mêmes ; les autres, à mesure qu’on les rencontrait, furent tranquillement remorqués près de la ville, sans que personne y mît obstacle.

Chap. 75. Nicias et Démosthène, croyant avoir fait les apprêts nécessaires, donnèrent l’ordre du départ, le surlendemain du combat naval. Ce qu’il y avait d’affreux, ce n’était pas seulement l’état de leurs affaires considérées dans les détails, et la pensée qu’ils faisaient retraite après avoir perdu toute la flotte, et qu’à la place de ces grandes espérances, il ne restait que des périls pour les troupes et pour la république elle-même ; mais le camp qu’on abandonnait offrait aux regards le plus triste spectacle, et remplissait l’âme des plus

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