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THUCYDIDE, LIV. VIII.

ques. Agis, approuvant qu’ils ne violassent pas la trève, voulait que l’expédition se fît en son nom. Les Corinthiens ne goûtant pas cette idée, et l’affaire traînant en longueur, les Athéniens pressentirent plus facilement les projets de Chio, et chargèrent de leurs réclamations et de leurs plaintes Aristocrate, l’un de leurs généraux. Ceux de Chio nièrent les griefs, et, comme alliés, reçurent l’ordre d’envoyer des vaisseaux, gages de fidélité : ils en envoyèrent sept. La raison de cet envoi, c’est que le parti populaire ne savait rien de ce qui se tramait, et que les partisans de l’oligarchie, qui voyaient tout, ne voulaient pas indisposer contre eux la multitude avant d’avoir reçu un renfort, et d’ailleurs ne s’attendaient plus à l’arrivée des Péloponnésiens, qui tardaient à paraître.

Chap. 10. Cependant on célébrait les jeux isthmiques. Les Athéniens se rendirent, selon leur promesse, à ce spectacle religieux, et pénétrèrent mieux alors les projets de ceux de Chio. De retour, ils prirent leurs mesures pour que la flotte de Corinthe ne partît pas à leur insu de Cenchrées. Après la fête, vingt-un vaisseaux, commandés par Alcamène, cinglaient vers Chio : les Athéniens, s’avançant à leur rencontre avec un nombre de vaisseaux d’abord égal, cherchaient à les pousser vers la haute mer : mais, après bien du temps, les Péloponnésiens, loin de se laisser attirer, s’étant éloignés de la haute mer, les Athéniens se retirèrent aussi (car ils ne se fiaient pas aux sept vaisseaux de Chio qui faisaient partie de leur flotte) : mais en ayant ensuite appareillé une autre de trente-sept voiles, ils les atteignirent comme ils longeaient les côtes, et les poursuivirent jusqu’au Piréum, lieu désert, qui est le dernier des ports de la Corinthie, vers les frontières de l’Épidaurie.

Les Péloponnésiens perdirent un vaisseau qui était au large, rallièrent les autres et prirent terre. Les Athéniens, les ayant attaqués et par mer et par terre, les jetèrent dans le trouble et la confusion, brisèrent sur le rivage la plus grande partie des bâtimens, et tuèrent le commandant Alcamène : pour eux, ils ne perdirent que peu des leurs.

Chap. 11. Les combattans s’étant séparés, les Athéniens bloquèrent la flotte ennemie avec un nombre suffisant de vaisseaux, et gagnèrent avec le reste un îlot voisin. Ils y campèrent et envoyèrent à Athènes demander du renfort : car le lendemain étaient arrivés au secours des Péloponnésiens, les Corinthiens, et, peu après, d’autres peuples du voisinage. À la vue de tant de difficultés pour défendre leur flotte en un lieu désert, les Péloponnésiens étaient dans une grande perplexité. Ils avaient voulu d’abord l’incendier : mais ensuite ils se décidèrent à la tirer à sec, en chargeant l’infanterie de la garder jusqu’à ce qu’il s’offrît quelque moyen de salut. Agis, qui jugeait toute la grandeur du danger, leur avait envoyé le Spartiate Thermon. Quant aux Lacédémoniens, on les avait précédemment informés que les vaisseaux avaient passé l’isthme : en effet les éphores avaient enjoint à Alcamène de transmettre sans délai la nouvelle par un cavalier. À l’arrivée du message, ils voulaient envoyer les cinq vaisseaux sous la conduite de Chalcidée, en lui adjoignant Alcibiade. On en pressait le départ, quand on apprit que la flotte était bloquée dans le Piréum. Consternés de voir si mal commencer l’expédition de l’Ionie, ils songeaient, non plus à faire sortir des vaisseaux de leur port, mais à en rappeler quelques-uns qui déjà étaient en mer.

Chap. 12. Alcibiade n’en fut pas plus tôt instruit qu’il conjura de nouveau Endius et les autres éphores de ne pas