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THUCYDIDE, LIV. VIII.

dicteurs, et demande séparément à chacun d’eux sur quelles espérances ils fondent le salut de la république, quand les Péloponnésiens n’ont pas moins qu’eux de vaisseaux en mer ; quand ils ont plus de villes alliées ; quand ils reçoivent de l’argent du grand roi et de Tissapherne, tandis qu’eux-mêmes n’en ont plus, à moins qu’on ne parvienne à faire passer le grand roi dans leur parti. Comme ceux qu’il interrogeait étaient forcés de répondre qu’ils n’avaient pas d’espérance. « Et nous n’en pourrons avoir, reprit-il hautement, qu’en mettant dans notre politique plus de modestie, qu’en donnant l’autorité à un petit nombre de citoyens, pour inspirer au roi de la confiance, et en nous occupant moins, dans les circonstances actuelles, de la forme de notre gouvernement que de notre salut. Nous changerons dans la suite, si quelque chose nous déplaît ; mais rappelons Alcibiade, le seul homme maintenant capable de rétablir nos affaires. »

Chap. 54. Les partisans de la démocratie d’abord s’indignèrent à ce mot d’oligarchie ; mais, comme Pisandre leur montrait clairement qu’il n’était pas d’autre moyen de salut, alors espérant en même temps le retour de la démocratie, ils cédèrent et consentirent. Il fut décrété que Pisandre, remettant en mer avec dix citoyens, ferait pour le mieux en ce qui concernait Alcibiade et Tissapherne. Sur les plaintes qu’il porta contre Phrynicus, on destitua celui-ci du commandement, ainsi que son collègue Scironidès, et, à leur place, on envoya Diomédon et Léon. Pisandre, jugeant que Phrynicus serait toujours contraire aux mesures que l’on prenait en faveur d’Alcibiade, l’accusait d’avoir livré Iasos et Amorgès : il fit successivement des visites à tous les corps assermentés chargés de la justice et de l’administration, leur conseilla de se consulter pour l’abolition de la démocratie, et, ayant tout disposé pour que les affaires ne traînassent plus en longueur, il mit en mer avec ses dix collègues pour aller reprendre ses négociations auprès de Tissapherne.

Chap. 55. Le même hiver, Léon et Diomédon joignirent la flotte des Athéniens, et voguèrent vers l’île de Rhode. Ils trouvèrent les vaisseaux du Péloponnèse tirés à sec, mirent pied à terre, vainquirent les Rhodiens, qui voulaient se défendre, et retournèrent à Chalcé. Dans la suite, ce fut de l’île de Cos qu’ils firent le plus souvent la guerre, comme du lieu le plus commode pour épier les mouvemens de la flotte ennemie.

Xénophontidas de Laconie vint aussi de Chio à Rhode, envoyé par Pédarite. Il annonça que les ouvrages des Athéniens étaient déjà terminés, et que c’en était fait de Chio, si l’on ne s’empressait de venir au secours avec toute la flotte. Il fut résolu qu’on secourrait cette île.

Cependant Pédarite, avec ce qu’il avait de troupes auxiliaires et avec les habitans de Chio, attaquant les retranchemens construits par les Athéniens autour de la flotte et forçant un point de ces retranchemens, se rendit maître de quelques vaisseaux mis à sec : mais bientôt les Athéniens y étant accourus, ceux de Chio fuirent les premiers ; le reste des troupes de Pédarite fut battu ; lui-même périt avec grand nombre d’habitans de Chio, et bien des équipages de guerre furent pris.

Chap. 56. Après cet échec, ceux de Chio se virent encore plus étroitement investis qu’auparavant par terre et par mer : une grande famine les désolait.

Pisandre et les autres députés, arrivés auprès de Tissapherne, entrèrent en conférence. Alcibiade ne comptait plus trop sur ce satrape, qui craignait encore