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THUCYDIDE, LIV. VIII.

nemi victorieux (danger imminent) ne se portât subitement au Pirée, dégarni de vaisseaux. À chaque instant ils le voyaient arriver, ce qu’en effet il eût facilement exécuté avec plus d’audace. Il n’avait qu’à former le siége d’Athènes pour y accroître encore les discordes, et il eût obligé la flotte d’Ionie, quoique ennemie de l’oligarchie, de venir au secours de parens chéris et de toute la république. Dès-lors il avait pour lui l’Hellespont, l’Ionie, les îles, tout jusqu’à l’Eubée et, pour ainsi dire, toutes les possessions d’Athènes. Mais ce n’est pas seulement en cette circonstance, c’est en beaucoup d’autres, que les Laccdémoniens se montrèrent, de tous les peuples, celui qu’Athènes devait préférer d’avoir pour adversaire : d’un caractère opposé à celui des Athéniens, lents contre des esprits vifs, craintifs vis-à-vis d’hommes entreprenans, ils aidèrent eux-mêmes leurs rivaux à se procurer l’empire de la mer. C’est ce que firent bien voir les Syracusains : aussi actifs, aussi entreprenans que les Athéniens, ils leur avaient fait la guerre avec succès.

Chap. 97. Les Athéniens, malgré la consternation où les jetait le malheur qui leur était annoncé, ne laissèrent pas d’équiper vingt navires, et formèrent une assemblée, la première de ce nouveau régime, qui fut convoquée dans le Pnyx, où l’on avait coutume de s’assembler auparavant. Là, ils déposèrent les quatre cents, et décrétèrent que le gouvernement serait confié aux cinq mille ; que tous ceux qui portaient les armes seraient de ce nombre ; que personne ne recevrait de salaire pour aucune fonction, et que ceux qui en recevraient seraient notés d’infamie. Il y eut dans la suite d’autres assemblées, même très fréquentes ; on y établit des nomothètes, on y fit divers règlemens relatifs à l’administration de l’état. Ces premiers temps sont l’époque où, de mes jours, il est certain que les Athéniens se sont le mieux conduits en politique ; ils surent tenir la balance entre la puissance des riches et celle du peuple, ce qui d’abord fit sortir la république de l’état fâcheux où elle était tombée. On décréta aussi le rappel d’Alcibiade et de ceux qui étaient avec lui ; on les pressa, ainsi que l’armée de Samos, de prendre part aux affaires.

Chap. 98. Dans cette révolution, Pisandre, Alexiclès, et les principaux auteurs de la constitution oligarchique, se sauvèrent promptement à Décélie. Seul d’entre eux, Aristarque, qui était en même temps général, prenant à la hâte quelques archers des nations les plus barbares, gagna le fort Énoé, qui appartenait aux Athéniens, sur les confins de la Béotie. Les Corinthiens, de concert avec des Béotiens qui s’étaient rendus volontairement à leur appel, l’assiégeaient, pour se venger de la perte de leurs gens défaits par ceux d’Énoe à leur retour de Décélie. Aristarque eut avec eux des conférences. Il trompa les défenseurs d’Énoé, en disant que les Athéniens de la ville avaient traité avec Lacédemone ; que, suivant un des articles, il allait remettre la place aux Béotiens, et qu’à cette condition l’accord avait été conclu. Ils le crurent en sa qualité de général, et parce qu’étant assiégés ils ne pouvaient rien savoir. Ils sortirent de la place sous la foi publique. Ansi les Béotiens prirent possession d’Énoé, qui leur fut abandonnée. L’oligarchie et la sédition cessèrent de désoler Athènes.

Chap. 99. Vers la même époque de cet été, les Péloponnésiens qui étaient à Milet ne touchaient point de solde. Nul de ceux qu’à son départ pour Aspende Tissapherne avait chargés du subside,