Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/460

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La traduction que nous réimprimons est faite par un homme également distingué dans la littérature et dans les armes.

On peut s’étonner avec raison que ce travail, achevé depuis près de soixante ans, ne laisse presque rien à désirer, surtout si l’on songe qu’à cette époque l’étude de la langue grecque était peu suivie, et qu’elle devait offrir des difficultés. Telle est pourtant la traduction du comte de La Luzerne, officier général sous Louis XV. Nous allons parler de quelques légers changemens que nous nous sommes permis de faire ; car nous comptons pour rien plusieurs passages obscurs de Xénophon que des leçons de meilleurs manuscrits ont éclaircis, et qu’il était de notre devoir de vérifier.

Le mot cohorte appartient essentiellement à la milice romaine, et ne doit pas être confondu avec le lochos des Grecs. Ici La Luzerne s’est trouvé arrêté par une difficulté qui a fait tomber d’Ablancourt, son prédécesseur, dans une erreur très grave, le lochos ne pouvant pas être pris pour un point de départ uniforme chez les différens peuples de la Grèce.

Dans l’organisation de la phalange, telle que Philippe l’institua, et que nous avons fait connaître par l’Essai sur la tactique des Grecs, lochos veut dire file, sans aucun doute ; et cette file pouvait être composée de huit, dix, douze, et même de seize combattans. Mais l’ordonnance des Spartiates était en effet fort différente ; chez ce peuple, l’armée se divisait en quatre grands corps, le mora, le lochos, le pentecostys et l’énomotie. Or Cléarque qui commandait les dix mille, leur avait évidemment donné la formation de Lacédémone où il était né.

La Luzerne était doué d’une bien autre perspicacité que d’Ablancourt, et il s’est bien donné de garde de nommer, comme lui, lochos, file ; mais il a sauté par dessus la difficulté. Le savant Gail, à qui nous devons une excellente traduction de Thucydide, traduction bien supérieure à tout ce qu’on a publié, s’est servi aussi du mot cohorte, et par une singularité dont on se rend difficilement compte, il appelle lochage (lochagos) le chef de lochos que La Luzerne désigne comme centurion.