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XÉNOPHON, LIV. III.

dons point, ajouta-t-il. Séparons-nous, compagnons. Que ceux d’entre vous qui manquent de chefs en choisissent. Revenez ensuite au centre du camp avec ceux que vous aurez élus ; puis nous y convoquerons toute l’armée. Que le héraut Tolmidès ne manque pas de s’y trouver aussi avec nous. » À ces mots il se leva pour qu’on ne différât plus et que l’on fît ce qui était urgent. On élut ensuite pour généraux Timasion Dardanien, à la place de Cléarque ; Xanticle Achéen, à la place de Socrate ; Cléanor d’Orchomène, au lieu d’Agias d’Arcadie ; Philésius Achéen, au lieu de Menon ; et Xénophon d’Athènes succéda à Proxène.

Après qu’on eut fait l’élection, le jour étant prêt à paraître, les chefs vinrent au centre du camp. Ils jugèrent à propos de placer les gardes en avant et de convoquer ensuite tous les soldats. Quand ils furent réunis, Chirisophe Lacédémonien se leva d’abord et parla en ces termes : « Soldats, notre situation présente est fâcheuse. Nous avons perdu des généraux, des chefs de lochos, des soldats dignes de nos regrets. D’ailleurs les troupes d’Ariée qui ont été jusqu’ici nos alliées ont fini par nous trahir. Il faut cependant vous montrer maintenant courageux et ne vous point laisser abattre. Il faut tâcher de nous sauver, si nous le pouvons, par des victoires éclatantes, sinon de trouver une mort honorable. Mais tant que nous vivrons, ne nous livrons jamais aux mains de nos ennemis ; car nous aurions, je crois, à souffrir des maux, que puisse le ciel faire retomber sur leurs têtes ! »

Cléanor d’Orchomène se leva ensuite et tint ce discours : « Vous voyez, soldats, les parjures du roi et son impiété. Vous voyez l’infidélité de Tissapherne. Il nous a dit qu’étant voisin de la Grèce, il mettait la plus grande importance à nous sauver ; il y a ajouté des sermens, nous a présenté la main en signe d’alliance, et tout cela pour tromper et pour arrêter ensuite nos généraux. Il n’a pas même craint Jupiter, vengeur des droits de l’hospitalité ; mais après avoir fait asseoir Cléarque à sa table, il a mis à mort des Grecs trompés par de telles perfidies. Ariée, que nous avons voulu élever au trône, qui avait reçu notre foi, qui nous avait donné la sienne lorsque nous nous promîmes réciproquement de ne nous point trahir, Ariée n’a pas craint davantage les immortels, et n’a pas respecté les mânes de Cyrus. Ariée, que Cyrus a, pendant sa vie, comblé d’honneurs, passe maintenant dans le parti des plus cruels ennemis de ce prince, et tâche de nuire aux Grecs, aux défenseurs de Cyrus. Puissent les Dieux punir ces scélérats ! C’est à nous qui sommes témoins de leurs crimes, à ne nous plus laisser tromper par eux, mais à les combattre le plus courageusement que nous pourrons, et à subir ce que le ciel ordonnera de nous. »

Xénophon se leva alors, revêtu des habits et des armes les plus magnifiques qu’il avait pu se procurer. Il avait pensé que, si les Dieux lui donnaient la victoire, la plus superbe parure siérait au vainqueur, et que s’il fallait succomber, il était convenable de mourir dans les plus beaux vêtemens, qui déposeraient qu’il s’était jugé digne de les porter. Il commença à parler en ces termes : « Cléanor vous expose les parjures et l’infidélité des Barbares ; je présume que vous ne les ignorez pas. Si l’armée veut faire une nouvelle paix avec eux, elle ne peut manquer d’être fort découragée, en considérant ce qu’ils ont fait souffrir à nos généraux, qui, sur la foi des traités, se sont remis en leurs mains. Mais si nous résolvons de punir, les armes à la main, ces traîtres du crime