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XÉNOPHON, LIV. III.

avance de la portée de l’arc. Si nous voulons donc empêcher l’ennemi de nous inquiéter dans notre marche, il faut au plus tôt nous pourvoir de cavalerie et de frondeurs. J’entends dire qu’il est dans notre armée des Rhodiens dont la plupart passent pour savoir se servir de la fronde et pour atteindre à une portée double de celle des frondes ennemies ; car les Perses lancent des pierres très grosses, et leurs frondes, par cette raison, ne portent pas loin, au lieu que les Rhodiens savent aussi lancer des balles de plomb. Si nous examinons donc quels sont les soldats qui ont des frondes, si nous leur en payons la valeur, si l’on promet une autre gratification à ceux qui voudront en faire de nouvelles, si l’on imagine quelque immunité pour les volontaires dont se formera notre corps de frondeurs, il s’en présentera peut-être d’assez bons pour être d’une grande utilité à l’armée. Je vois des chevaux à notre camp ; j’en ai quelques-uns à mes équipages. Il en reste de ceux de Cléarque ; nous en avons pris à l’ennemi beaucoup d’autres que nous employons à porter des bagages. Choisissons dans le nombre total, rendons pour indemnité à ceux à qui ils appartiennent d’autres bêtes de somme, équipons des chevaux de manière à porter des cavaliers : peut-être inquiéteront-ils à leur tour l’ennemi dans sa fuite. » Cet avis passa. On forma dans la nuit un corps d’environ deux cents frondeurs. Le lendemain on choisit environ cinquante chevaux et autant de cavaliers. On leur fournit ensuite des habillemens de peau et des cuirasses. Lycius Athénien, fils de Polystrate, fut mis à la tête de ce petit escadron.

On séjourna le reste du jour, et le lendemain les Grecs se mirent en marche de meilleure heure ; car ils avaient un ravin à traverser, et l’on craignait qu’au passage de ce défilé l’ennemi n’attaquât. On était déjà au-delà, lorsque Mithradate reparut avec mille chevaux, et environ quatre mille archers et frondeurs. Tissapherne lui avait donné ce détachement qu’il avait demandé, et Mithradate avait promis au satrape que s’il lui confiait ces forces, il viendrait à bout des Grecs, et les lui livrerait. Il avait conçu du mépris pour eux, parce qu’à la dernière escarmouche, quoiqu’il n’eût que peu de troupes, il n’avait rien perdu et leur avait fait, à ce qu’il présumait, beaucoup de mal. Les Grecs avaient passé le ravin et en étaient éloignés d’environ huit stades, quand Mithradate le traversa avec son détachement. On avait, dans l’armée grecque, désigné de l’infanterie pesante et des armés à la légère, qui devaient poursuivre l’ennemi et on avait ordonné aux cinquante chevaux de s’abandonner hardiment aux trousses des fuyards, les assurant qu’ils seraient suivis et bien soutenus. Mithradate avait rejoint les Grecs, et était déjà à la portée de la fronde et du trait quand la trompette donna le signal. L’infanterie commandée courut aussitôt sur l’ennemi, et les cinquante chevaux s’y portèrent. Les Barbares ne les attendirent pas et fuirent vers le ravin. Ils perdirent dans cette déroute beaucoup d’infanterie ; et environ dix-huit de leurs cavaliers furent faits prisonniers dans le ravin. Les Grecs, sans qu’on l’eût ordonné, mutilèrent les cadavres de ceux qu’ils avaient tués, pour que la vue en inspirât plus de terreur aux ennemis.

Après cet échec, les Barbares s’éloignèrent. Les Grecs ayant marché le reste du jour sans être inquiétés, arrivèrent sur les bords du Tigre. On y trouva une ville grande mais déserte, nommée Larisse ; elle avait été autrefois