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nables ; et il fallut songer à augmenter la valeur des obstacles matériels présentés à l’assiégeant.

Les hommes éclairés qui dirigeaient la défense des villes, ne tardèrent pas à s’apercevoir que la disposition des machicoulis devenait insuffisante pour surveiller le pied des murailles, et qu’il serait très avantageux de découvrir les flancs des attaques de l’ennemi. Pour y parvenir, on adossa à l’enceinte des tours carrées distantes les unes des autres de la portée des armes de trait le plus en usage dans la défense ; on donna même à ces tours plus de hauteur qu’à l’enceinte pour qu’elles dominassent et rendissent l’usage des tours en charpente plus difficile et plus périlleux. Aux tours carrées, on en substitua par la suite qui avaient la forme demi-circulaire.

On ne s’en tint pas à cette simple disposition de tours qui se flanquaient réciproquement. On couvrit l’enceinte par un fossé plus ou moins profond, plus ou moins large, et les propriétés de ce fossé augmentèrent tellement les difficultés de l’attaque, que la défense reprit dès-lors sur elle tout l’ascendant qu’elle avait momentanément perdu. En effet, les opérations relatives au comblement d’un fossé large et profond, afin d’établir un belier contre les murailles, prenaient un temps si considérable, que souvent l’assiégeant était découragé. Aussi les généraux de l’antiquité regardaient-ils le siége d’une ville comme une opération qui devait les couvrir de gloire s’ils parvenaient à le terminer, quoique ce genre de guerre soit en réalité bien moins savant que celui de tenir la campagne.

Alexandre ne pouvant s’approcher de la ville de Tyr à cause du bras de mer qui la séparait de quatre stades du continent, employa aussitôt une partie de ses troupes à construire une levée (333 av. not. ère). Les ruines de Palætyr, placées dans le voisinage, lui fournirent des pierres en abondance, et il trouva tout le bois nécessaire sur le mont Liban.

Les Tyriens insultèrent d’abord les travailleurs, et leur demandèrent si leur roi était plus puissant que Neptune ; toutefois quand ils virent que les soldats sous l’abri des mantelets, et protégés par des tours en charpente, gagnaient tous les jours vers leur rivage, ils s’occupèrent d’arrêter les assiégeans. Une tempête survint et détruisit une partie des travaux. Tout fut promptement réparé ; mais à l’aide de leurs vaisseaux, et surtout d’un gros bâtiment appelé Hipagogue, qui était rempli de matières combustibles, les Tyriens parvinrent à brûler les machines qu’Alexandre avait établies sur la chaussée.

Cependant la flotte du prince étant arrivée, les Tyriens se retirèrent dans leur port. On élargit la digue, et l’ayant poussée jusqu’à la portée du trait, on commença de l’élever en lui donnant la forme d’une terrasse, sur laquelle on plaça de grosses catapultes et des balistes, avec des archers et des frondeurs. Les Tyriens dont les murs avaient déjà cent cinquante pieds, les haussèrent encore de dix coudées. On voit aussi qu’ils en augmentèrent l’épaisseur, en bâtissant un mur intérieur à cinq coudées de l’ancien, et remplissant l’intervalle.

Maître de la mer, Alexandre en profita pour faire avancer des trirèmes chargées de ponts volans. Des tours-belières étaient sur ces ponts, qui facilitèrent beaucoup l’approche du mur. On en abattit cent pieds, ce qui n’empêcha pas les Tyriens d’opposer la plus vive résistance ; mais les deux ports extérieur