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XÉNOPHON.

notre situation, et les presser de nous envoyer sans délai un renfort, s’ils aspirent à l’empire de l’Asie et à la possession de toutes ses richesses. Vous, le plus âgé d’entre nous, partez : rendez-leur compte de l’état des choses ; ajoutez que je me charge de fournir à l’entretien des soldats qu’ils m’enverront. Vous voyez les trésors que nous possédons : ne leur cachez rien. Demandez à mon père quelle portion je dois envoyer aux Dieux de la Perse, et aux magistrats, quelle portion revient à la république. Qu’on députe aussi vers nous des officiers publics, pour inspecter ce qui se passe ici et pour former conseil. Allez vous préparer, et prenez une escouade qui vous servira d’escorte.

Cyrus fit ensuite appeler les Mèdes. L’envoyé de Cyaxare parut au milieu d’eux. Il parla publiquement de la colère de son maître contre Cyrus, de ses menaces contre les Mèdes, et finit par déclarer que Cyaxare leur enjoignait de retourner vers lui, quand même Cyrus s’obstinerait à rester. Les Mèdes, à ces paroles de l’envoyé, demeuraient interdits : ils n’avaient point de prétexte pour désobéir au roi, qui les rappelait ; mais le connaissant pour un maître impitoyable, ils craignaient, en obéissant, l’effet de ses menaces. Cyrus prit la parole : « Mèdes, dit-il, et vous envoyé de leur roi, je ne m’étonne pas que Cyaxare, se voyant attaqué par une foule d’ennemis, et ignorant nos succès, tremble pour nous et pour lui : mais lorsqu’il saura qu’une grande partie des Assyriens a perdu la vie, et que le reste est en fuite, d’abord il cessera de craindre, puis il reconnaîtra qu’il a n’a pas été abandonné par des amis qui détruisaient ses ennemis. Peut-il raisonnablement se plaindre de nous, qui le servons si bien et n’entreprenons rien de notre propre mouvement ! Je n’ai agi qu’après avoir obtenu la permission de vous emmener avec moi : vous, de votre côté, vous n’avez point demandé à partir comme des gens qui auraient désiré de le quitter ; vous êtes venus ici sur l’invitation qu’il en avait faite à tous ceux qui voudraient me suivre. Je suis convaincu que notre bonne fortune le calmera, et que sa colère cessera avec sa crainte. » S’adressant ensuite à l’envoyé : « Vous devez, lui dit-il, être fatigué ; allez vous reposer. Nous, Perses, comme nous présumons que les ennemis approchent ou pour nous attaquer ou pour se soumettre, rangeons-nous en bataille dans le meilleur ordre : cet appareil imposant peut hâter la réussite de nos desseins. Vous, prince d’Hyrcanie, prenez sur vous d’ordonner à vos officiers qu’ils mettent leurs soldats sous les armes. »

L’Hyrcanien ayant transmis cet ordre, vint rejoindre Cyrus, qui lui dit : « Je vois avec plaisir que votre conduite nous donne à-la-fois des preuves, et de votre amitié pour nous, et de votre intelligence. Il est clair que nous avons aujourd’hui les mêmes intérêts : si les Assyriens sont mes ennemis, ils sont encore plus les vôtres. Agissons donc de concert pour qu’aucun de nos alliés ne nous abandonne, et que nous nous a en procurions de nouveaux s’il est possible. Vous savez que l’envoyé de Cyaxare rappelle la cavalerie mède : si elle nous quitte, comment tiendrons-nous avec nos gens de pied ? Faisons donc en sorte, vous et moi, que cet envoyé, qui est venu pour emmener les siens, veuille lui-même rester avec nous. Cherchez-lui d’abord une tente très commode, où il trouve à souhait le nécessaire ; je tâcherai de lui donner un emploi qui lui soit plus agréa-