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LA CYROPÉDIE, LIV. V.

Gadatas avec sa suite accompagnait Cyrus, lui indiquant les chemins et les lieux abondans en eau, en fourrages, en vivres, afin que l’armée ne campât que dans des cantons fertiles.

Lorsqu’on fut arrivé à la vue de Babylone, Cyrus, s’apercevant que la route suivie aboutissait aux murs de la ville, appela Gobryas et Gadatas, et leur demanda s’il n’y avait pas un autre chemin qui les approchât moins des murailles. « Seigneur, répondit Gobryas, il y en a plusieurs autres ; mais j’ai pensé que tu désirerais passer le plus près possible de la ville, afin de montrer à l’ennemi le nombre et le bon état de tes troupes. Je me souviens que dans le temps où elles étaient beaucoup moins nombreuses, tu vins si près des fortifications, que les Assyriens pouvaient aisément reconnaître la médiocrité de tes forces : aujourd’hui, quelques préparatifs qu’ait faits le roi pour te recevoir (car il t’annonça pour lors qu’il allait y travailler), je présume que dès qu’il aura vu de près ton armée, il se croira mal préparé. — Gobryas, répliqua Cyrus, tu me parais surpris que dans le temps où je suis venu ici, avec des troupes moins considérables, je les aie conduites jusque sous les murs, et que dans ce moment où leur nombre est augmenté, je ne veuille plus les en approcher : cesse de t’étonner. Il est différent, Gobryas, de mener une armée à l’ennemi, ou de vouloir seulement passer à sa vue. Dans le premier cas, on avance en suivant l’ordonnance la plus avantageuse pour le combat : dans le second, un général prudent songe moins à la célérité qu’à la sûreté de la marche. Lorsqu’une armée est en route, les chariots et autres bagages qui occupent nécessairement un grand espace, doivent être couverts par des gens armés, et ne paraître jamais sans défense aux yeux de l’ennemi : mais une telle disposition force les troupes de s’étendre et de s’affaiblir. Que des ennemis, sortant d’une place forte, serrés et en bon ordre, viennent les assaillir tandis qu’elles défilent, n’auront-ils pas beaucoup d’avantage, de quelque côté qu’ils forment leur attaque ? Une armée qui marche en colonne, ne peut sans beaucoup de temps porter du secours à l’endroit attaqué ; au lieu que l’ennemi qui fait une sortie, peut en un instant secourir les siens, et rentrer dans ses retranchemens. Si donc nous nous contentons d’approcher des Assyriens à la distance que nous occupons, et que nous restions aussi étendus que nous le sommes, ils verront à la vérité nos forces ; mais l’escorte armée qui couvrira nos bagages offrira un aspect imposant. S’ils sortaient pour nous entamer par quelque endroit, comme nous les apercevrions de loin, nous ne courrions pas risque d’être surpris. Mais puisqu’il faudrait que pour nous attaquer ils s’éloignassent de leurs murailles, comptez, mes amis, qu’ils n’entreprendront rien, à moins qu’ils ne s’imaginent que toutes leurs forces réunies peuvent être supérieures aux nôtres : ils auraient trop à craindre pour leur retraite. » Tous ceux qui étaient présens furent de l’avis de Cyrus ; et Gobryas conduisit l’armée suivant l’ordre qui lui avait été donné. Pendant qu’elle passait à la vue de Babylone, le prince se tint constamment à l’arrière-garde, pour la fortifier par sa présence.

Après plusieurs jours de marche, on arriva sur les frontières des Syriens et des Mèdes, dans le même lieu où l’armée était entrée en campagne. Les Syriens y avaient trois châteaux, dont l’un mal fortifié, fut emporté d’assaut : la terreur qu’inspirait Cyrus, et les insinuations de Gadatas déterminèrent les garnisons à livrer les deux autres.