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pour n’être pas aperçu, et se dirige à l’entrée de la nuit vers le rocher. Il laisse dans le camp Craterus avec son corps de cavalerie, les Arachotiens, les Paropanisades, deux autres sections de la phalange et les cinq mille Indiens auxiliaires envoyés par Taxile. Alexandre donna ordre à ces troupes de ne passer le fleuve que lorsque Porus aurait décampé, soit pour se retirer, soit pour venir le combattre. Entre l’île et le camp, Méléagre, Attalus et Gorgias, avec l’infanterie et la cavalerie des stipendiaires, doivent aussi passer par détachements dès que l’action sera engagée. Ils étaient postés de manière à n’être pas aperçus.

Un orage qui survint, et dura la nuit entière, servit merveilleusement à couvrir l’entreprise, en empêchant qu’on entendit le bruit qui se faisait autour du rocher. Cet orage s’étant calmé à la pointe du jour, toute l’armée passa, la cavalerie sur les peaux, l’infanterie sur les barques et les radeaux. On laisse l’île de côté, et l’on se contente d’y envoyer un poste d’infanterie légère.

À mesures que les troupes arrivaient sur l’autre bord, Alexandre les mettait en bataille à la vue des éclaireurs ennemis qui courent à toutes brides en donner avis à Porus. Alexandre s’avançait à la tête de ses troupes, quand il s’aperçut qu’il était dans une autre île, plus grande que la première, et séparée de la terre par un canal assez étroit. Comme l’eau était grossie par l’orage de la nuit, on fut obligé de chercher un gué où les chevaux en eurent jusqu’au poitrail, et l’infanterie jusque sous les bras.

Tout étant passé, Alexandre fait prendre du terrain à sa cavalerie devant laquelle il jeta les archers à cheval ; l’infanterie légère des Agriens fut placée sur les côtés de la phalange. Il s’avança aussitôt laissant l’infanterie derrière, qui marchait au petit pas, excepté les archers à pied qui eurent ordre de suivre le plus vite qu’ils pourraient. Alexandre pensait que si Porus ne venait au-devant de lui qu’avec la cavalerie indienne, il le déferait, la sienne étant supérieure ; et que si ce roi paraissait au contraire avec toutes ses forces, il le tiendrait en échec jusqu’à l’arrivée de l’infanterie. Les Indiens épouvantés de son audace pouvaient aussi se débander, et dans ce cas il les attaquait, et affaiblissait d’autant leur armée.

À peine fut-il en marche, qu’on vint l’avertir que les ennemis paraissaient. Le fils de Porus accourut en effet avec deux mille chevaux et cent vingt chariots, dans l’espérance de défendre le passage. Alexandre ayant reconnu la force de cette troupe, ne daigna pas se mettre en bataille. Il lui détacha ses archers à cheval, et vint la charger avec la tête de sa cavalerie, en ordre de marche, c’est-à-dire sur seize de front. Le fils de Porus resta sur la place avec quatre cents chevaux. Tous ses chariots furent pris sans avoir été d’aucun effet sur un terrain détrempé par la pluie, et dans lequel ils s’embourbaient par leur pesanteur.

Lorsque Porus eut appris la défaite de son fils, il balança sur le parti qu’il avait à prendre ; car devant lui se trouvait Cratérus prêt à gagner l’autre rive, et qui l’empêchait de marcher à l’ennemi. Alexandre y avait pensé, et voilà pourquoi il posta, entre son camp et l’île, le corps de l’infanterie et de la cavalerie des stipendiaires. Porus, en effet, s’avançait-il assez pour rencontrer Alexandre plus près de l’île que du camp ? ce corps passait et pouvait le prendre par derrière. Au contraire, le prince faisait-il plus de chemin que Porus en laissant derrière lui les stipendiaires ? rien alors ne les empêchait