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LA CYROPÉDIE, LIV. VII.

armes de tous côtés, et couverts de leurs grands boucliers. Immobiles dans cette position, ils n’agissaient point : ils eurent beaucoup à souffrir, jusqu’à ce que Cyrus, admirant leur courage, et voyant avec douleur périr de si braves gens, fit retirer les assaillans et cesser le combat.

Il leur demanda, par un héraut, s’ils aimaient mieux mourir tous pour des lâches qui les avaient abandonnés, que de sauver leur vie sans rien perdre de leur réputation de braves gens. « Pourrions-nous, répondirent-ils, conserver la vie et l’honneur ? — Oui, répartit Cyrus, puisque vous êtes les seuls qui n’ayez pas lâché pied et qui combattiez encore. — Mais en quittant nos drapeaux, comment conserver la vie et l’honneur ? — En ne faisant mal à aucun de vos alliés, en rendant les armes, en devenant amis de ceux qui vous donnent la vie, quand ils sont maîtres de vous l’ôter. — Si nous devenons vos amis, que prétendez vous faire de nous ? — Établir entre vous et moi un commerce de bons offices. — Quels bons offices ? — Tant que la guerre durera, vous me suivrez ; vous aurez une paye plus forte que celle que vous receviez des Assyriens : la paix faite, j’assignerai à ceux qui voudront rester avec moi, des terres et des villes, et je leur donnerai des femmes et des esclaves. » Sur cette proposition, ils demandèrent seulement au prince de ne jamais porter les armes contre Crésus : c’est le seul des alliés, ajoutèrent-ils, de qui nous n’ayons pas à nous plaindre. Tous les articles ayant été acceptés de part et d’autre, les Égyptiens engagèrent leur foi à Cyrus, et reçurent la sienne. Les descendans de ceux qui s’attachèrent pour lors à lui, sont restés jusqu’ici fidèles au roi de Perse. Cyrus leur avait donné, dans la haute Asie, quelques villes qu’on nomme encore les villes des Égyptiens, et de plus Larisse et Cyllène, situées près de Cyme, à peu de distance de la mer : leur postérité s’est maintenue jusqu’à présent en possession de ces villes. Après la conclusion du traité, l’armée partit au commencement de la nuit, et alla camper à Thymbrare.

Dans cette journée, les Égyptiens furent les seuls de l’armée ennemie qui méritèrent des éloges. Du côté de Cyrus, la cavalerie perse fut jugée la meilleure de toutes les troupes : aussi la cavalerie d’aujourd’hui conserve-t-elle la même manière de s’armer que Cyrus avait établie. Les chars armés de faux réussirent si parfaitement, que les rois de Perse en ont retenu l’usage. Les chameaux ne servirent qu’à épouvanter les chevaux : ceux qui les montaient, ne furent point à portée d’en venir aux mains avec la cavalerie assyrienne, parce que les chevaux n’osèrent les approcher. Ainsi, quoiqu’ils paraissent avoir été utiles dans cette occasion, aucun brave guerrier ne voudrait aujourd’hui nourrir un chameau pour le monter ou le dresser aux combats : on leur a donc rendu leur ancien harnois, et on les a renvoyés au bagage.

Chap. 2. Les troupes de Cyrus s’étant rafraîchies, et les sentinelles ayant été posées, comme la prudence l’exigeait, on alla prendre du repos, pendant que Crésus s’enfuyait à Sardes avec son armée, et que différens peuples ses alliés profitaient de la nuit pour s’éloigner avec la plus grande diligence, et gagner leur pays. À la pointe du jour, Cyrus marcha vers Sardes : en arrivant sous les murailles, il fit dresser ses machines, et préparer des échelles, comme pour battre le mur. Tandis qu’il amusait les Sardiens par ces apprêts, la nuit suivante il fait entrer les Chaldéens et les Perses dans la partie des fortifications

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