Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/730

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
729
LA CYROPÉDIE, LIV. VII.

mer, obtinrent, à force de présens, de ne point recevoir chez eux de troupes étrangères, à condition qu’ils paieraient un tribut, et qu’ils suivraient Cyrus à la guerre, partout où il les appellerait. Quant au roi de Phrygie, il se préparait à défendre vivement ses forteresses et à ne point composer. Il avait déclaré hautement sa résolution : mais, resté presque seul, par la défection de ses principaux officiers, il vint se jeter entre les bras d’Hystaspe, s’abandonnant à la merci de Cyrus. Hystaspe établit des garnisons dans les places, et sortit du pays avec le reste de ses troupes, grossies d’une foule de cavaliers et de peltastes phrygiens. Cyrus avait ordonné qu’après la jonction d’Adusius avec Hystaspe, les deux généraux emmèneraient sans les désarmer, ceux d’entre les Phrygiens qui auraient embrassé son parti, et ôteraient les armes et les chevaux à ceux qui auraient fait résistance, les réduisant à suivre l’armée avec des frondes : ce qui fut exécuté.

Cyrus quitta Sardes, et y laissa une forte garnison d’infanterie perse : il en partit accompagné de Crésus, et suivi de quantité de chariots richement chargés. Avant le départ, Crésus lui présenta des états détaillés de tout ce que portait chaque chariot, en lui disant : « Cyrus, avec ces états, tu sauras qui te rend fidèlement ce qu’il avait en sa garde, et qui manque de fidélité. — Ta précaution est louable, répondit le prince : mais comme ceux à qui ces richesses sont confiées y ont un droit légitime, s’ils en détournent quelque chose, ils se voleront eux-mêmes. » Cependant il donna les états à ses amis et aux chefs principaux, afin qu’il pussent distinguer entre les conducteurs des voitures, ceux qui en rapporteraient la charge dans son intégrité, de ceux qui seraient infidèles. Cyrus emmena avec lui quelques Lydiens qui lui avaient paru jaloux d’avoir de belles armes, de beaux chevaux, des chars en bon état ; il leur laissa leurs armes, ainsi qu’à tous les guerriers en qui il remarqua de l’ardeur à faire ce qui lui était agréable : quant à ceux qu’il voyait marcher à regret, il brûlait leurs armes, distribuait leurs chevaux aux Perses qui faisaient avec lui leur première campagne, et les contraignait suivre l’armée, une fronde à la main. Il voulut pareillement que tous les prisonniers désarmés s’exerçassent à se servir de la fronde, espèce d’arme qu’il estimait très convenable à des esclaves. Ce n’est pas qu’il n’y ait des occasions où les frondeurs, mêlés avec d’autres troupes, sont d’une très grande utilité : mais tous les frondeurs ensemble, s’ils ne sont pas joints à d’autres corps, ne sauraient tenir contre une poignée de soldats armés pour combattre de près.

Cyrus, allant de Sardes à Babylone, vainquit les habitans de la grande Phrygie, subjugua les Cappadociens, et soumit les Arabes à sa domination. Avec les armes de ces différens peuples, il équipa environ quarante mille cavaliers perses, et partagea entre ses alliés une grande partie des chevaux des vaincus. Il parut devant Babylone, à la tête d’une cavalerie nombreuse, et d’une multitude infinie tant d’archers que de frondeurs et d’autres gens de trait.

Chap. 5. À peine arrivé, il établit toutes ses troupes autour de la ville, et alla lui-même la reconnaître, suivi de ses amis et des principaux chefs des alliés. Dans le moment où, après avoir examiné les fortifications, il se disposait à faire retirer son armée, un transfuge en sortit, pour l’avertir que les Babyloniens avaient formé le dessein de l’attaquer dans sa retraite, parce que ses troupes qu’ils avaient considérées du