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LA CYROPÉDIE, LIV. VIII.

comme il est aisé d’en juger en voyant leurs ennemis parcourir la Perse plus librement qu’eux-mêmes.

Cyrus, pour obliger sa cavalerie à combattre de près, lui avait ôté les armes de jet : il avait couvert les hommes et les chevaux d’armes défensives et donné à chaque cavalier un fort javelot. On est exact à ne point combattre de loin ; mais on n’ose plus se battre de près. L’infanterie est armée, comme du temps de Cyrus, du bouclier, de l’épée, de la hache ; mais elle n’a pas le courage de s’en servir. Les chars armés de faux, ne sont plus employés à l’usage pour lequel Cyrus les avait fait construire. Par les récompenses et les distinctions dont il comblait les conducteurs, il avait tellement excité leur courage, qu’ils s’élançaient impétueusement à travers les plus épais bataillons : les Perses d’aujourd’hui en font si peu de cas qu’à peine ils les connaissent ; ils croient qu’on peut très bien conduire un char sans y être exercé. Ils savent, à la vérité, pousser leurs chevaux vers l’ennemi ; mais, avant de l’avoir joint, les uns se laissent renverser exprès, les autres sautent en bas pour prendre la fuite ; en sorte que les chars n’étant plus gouvernés, leur causent souvent plus de dommage qu’aux ennemis. Au reste, les Perses ne se dissimulent pas leur peu d’habileté dans l’art militaire : ils reconnaissent leur infériorité, et n’osent se mettre en campagne sans avoir des Grecs dans leurs armées, soit qu’ils aient la guerre entre eux, soit qu’ils aient à se défendre contre des Grecs ; car ils ont pour maxime de ne jamais combattre les Grecs sans être soutenus par des troupes de la même nation.

Je crois avoir rempli l’objet que je m’étais proposé. J’ai prouvé qu’aujourd’hui les Perses et les peuples soumis à leur domination, ont beaucoup moins de respect pour les Dieux, de piété envers leurs parens, d’équité les uns à l’égard des autres, de bravoure à la guerre, qu’ils n’en avaient anciennement. Si quelqu’un est d’un avis contraire, qu’il examine leurs actions, il verra qu’elles confirment ce que j’ai dit.



FIN DE LA CYROPÉDIE.