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ARRIEN, LIV. I.

chariots causent peu de désordre et aucune perte.

Les Macédoniens, ranimés en voyant s’évanouir le danger qu’ils avaient le plus redouté, jettent un grand cri, et fondent sur les Thraces. Alexandre fait avancer les hommes de trait de son aile droite, avec ordre de couvrir un autre corps qui se dirige par un côté plus accessible, et d’écarter les Thraces sur tous les points. Lui-même, à la tête de l’Agéma, fait ébranler l’aile gauche renforcée des Hypaspistes et des Agriens.

Dès que les Thraces paraissent, une grêle de flèches les disperse ; la phalange se précipite, repousse sans peine une troupe d’hommes à demi-nus, et de barbares mal armés. Ils n’attendent point Alexandre, qui fond par la gauche ; ils’jettent leurs armes, et se dispersent dans la montagne. On en tue quinze cents environ. Peu tombèrent vivans au pouvoir des Grecs : l’habitude qu’ils avaient de ces défilés, et la légèreté de leur course, les sauvèrent. Les femmes qui les suivaient, les enfans, les bagages, tout fut pris : ce butin, commis à Lysanias et à Philotas, fut conduit dans les villes maritimes.

Alexandre franchit l’Hæmus, pousse vers les Triballiens, et touche aux rives du Lyginus, que trois jours de marche séparent de l’Ister, lorsqu’on traverse l’Hæmus.

Le roi des Triballiens, Syrmus, instruit d’avance de la marche d’Alexandre, fait d’abord passer le fleuve aux femmes et aux enfans, et les rassemble dans une île de l’Ister, qu’on appelle Peucé, où s’était déjà réfugiée, à l’approche de l’ennemi, une foule de Thraces voisins ; il s’y jette lui-même avec toute sa famille.

Cependant un grand nombre de Triballiens fuit en arrière, et se porte vers une autre île du fleuve qu’Alexandre avait abandonné la veille. Informé du détour, celui-ci revient sur ses pas, et surprend leur camp. Les Barbares, en désordre, se rallient dans un bois voisin du fleuve. Alexandre fait serrer sa phalange après avoir détaché en avant des hommes de fronde et de trait, qui doivent, en escarmouchant, attirer les Barbares dans la plaine. Ceux-ci, à la portée des traits qui les inquiètent, se précipitent sur une troupe faiblement armée, pour en venir aux mains. Dès qu’Alexandre les eut attirés hors de la forêt, il fit donner, à la tête de l’aile droite vers laquelle ils s’étaient le plus avancés, Philotas avec la cavalerie de la Haute-Macédoine, et à la tête de l’aile gauche, Héraclide et Sopolis avec la cavalerie de la Béotie et d’Amphipolis. Lui-même ébranle au centre la phalange dont le front est protégé du reste de la cavalerie. Tant que l’action ne fut engagée qu’au trait, les Triballiens résistèrent ; mais lorsqu’ils vinrent à éprouver le choc de la phalange et de la cavalerie qui les presse et les heurte de toutes parts, ils fuient en désordre à travers la forêt, du côté du fleuve : trois mille furent tués. Peu tombèrent vivans aux mains des vainqueurs ; l’épaisseur de la forêt qui domine le fleuve, et l’approche de la nuit, les dérobèrent à la poursuite des Macédoniens. Ceux-ci, selon Ptolémée, ne perdirent que onze cavaliers et quarante fantassins.

Le troisième jour qui suivit cette bataille, Alexandre parvint à l’Ister, le plus considérable des fleuves de l’Europe, celui qui parcourt la plus vaste étendue de pays, et dont les bords sont habités par les nations les plus belliqueuses, pour la plupart Celtiques, au milieu desquelles il prend sa source. À l’extrémité sont les Quades, les Marcomans ; ensuite une famille de Sau-