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ARRIEN, LIV. II.

LIVRE DEUXIÈME.

Chapitre premier. Cependant Memnon, à qui Darius avait donné le commandement de toute la flotte et des côtes maritimes, voulant porter la guerre en Macédoine et en Grèce, prit l’île de chio par trahison. Naviguant ensuite vers Lesbos, il passe devant Mitylène qui refuse de se rendre, s’empare de toutes les autres villes de Lesbos, soumet l’île, et revient mettre le siége devant Mitylène ; il la cerne d’une double circonvallation qui s’étend d’un rivage à l’autre, et qui, flanquée de cinq forts, la bloque facilement du côté de la terre. Une partie de ses vaisseaux occupe le port ; le reste cependant stationne vers Sigrium, promontoire de Lesbos, garde ce passage qui est le plus facile, et en écarte les vaisseaux de transport venant de Chio, de Géreste et de Malée, qui, du côté de la mer, auraient pu donner du secours aux Mityléniens : mais une maladie emporta Memnon ; sa mort fut la plus grande perte qu’éprouva Darius.

Autophradates et Pharnabase, neveu de Darius, à qui Memnon avait remis en mourant son autorité, jusqu’à ce que le roi en eut décidé, pressaient vivement le siége. Les Mityléniens, bloqués par terre, cernés du côté de la mer par une flotte nombreuse, députent vers Pharnabase, et conviennent que les étrangers à la solde d’Alexandre se retireraient de leur ville ; que les colonnes où des inscriptions attestent leur alliance avec ce prince seraient renversées ; qu’ils renouvelleraient avec Darius le traité d’Antalcidas, et que la moitié de leurs bannis rentrerait dans leurs murs. Ces conditions sont acceptées : Pharnabase et Autophradates mettent garnison dans la ville, sous le commandement du rhodien Lycomède, établissent Diogène, un des exilés, tyran de Mitylène, et exigent une somme d’argent, dont une partie est arrachée de force aux plus riches, et l’autre imposée sur la commune.

Autophradates tourne ensuite vers les autres îles, et Pharnabase conduit en Lycie les troupes étrangères ; cependant Darius envoie Thymondas remplacer Memnon dans le commandement de ces troupes ; Pharnabase les lui remet, et va rejoindre la flotte d’Autophradates.

Dès qu’ils sont réunis, ils détachent vers les Cyclades le persan Datame avec dix vaisseaux, et cinglent vers Ténédos avec une flotte de cent voiles. Arrivés devant l’île et entrés dans le port Boréal, ils envoient ordre aux Ténédiens d’abattre les monumens de leur alliance avec Alexandre et les Grecs, et de faire la paix avec Darius, aux conditions du traité d’Antalcidas.

Ceux de Ténédos penchaient plus vers Alexandre et les Grecs ; mais la position actuelle des affaires ne laissait espoir de salut que dans la soumission à la volonté des Perses. En effet, Hégéloque, chargé par Alexandre de rassembler une armée navale, avait encore trop peu de forces pour qu’on pût en attendre un prompt secours. Les Ténédiens se rendirent donc à Pharnabase, plus par crainte que par affection.

Cependant Protée, d’après les ordres d’Antipater, avait rassemblé quelques vaisseaux longs de l’Eubée et du Peloponnèse, pour couvrir les îles et la Grèce elle-même, si, comme on l’annonçait, la flotte des Barbares tentait une invasion. Ayant appris que Datame stationnait devant Siphne, avec dix vaisseaux, Protée se rend avec quinze à Chalcis, située sur l’Euripe, et arrivé dès l’aurore devant l’île de Cythnus, il y passe la journée entière pour mieux reconnaître la position des dix vaisseaux ennemis,