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ARRIEN, LIV. VI.

l’armée ; les guides ne reconnaissaient plus la route couverte par les sables ; il leur était impossible de se retrouver : aucun moyen de diriger sa route au milieu de cet océan de sable ; du moins sur les mers on peut se guider par l’inspection des astres. Alexandre conjectura qu’il fallait tirer sur la gauche ; il pousse de ce côté à la tête de quelques chevaux dont la plus grande partie excédée de fatigues restent en route ; enfin il arrive, lui sixième, sur le rivage. On creuse dans le sable, on y trouve une eau excellente ; l’armée le rejoint ; on côtoie pendant sept jours le rivage, on s’y abreuve. Les guides se reconnaissent, et mènent dans l’intérieur vers la capitale des Gédrosiens, où Alexandre fait reposer son armée.

Il destitue le satrape Apollophane pour n’avoir point exécuté ses ordres, établit pour son successeur Thoas qui, venant à mourir, est remplacé par Sibyrtius, élevé depuis peu au satrapat de la Carmanie, qu’il abandonne pour celui des Arachotes et des Gédrosiens : la Carmanie passe sous le gouvernement de Tlépolème.

Chap. 8. Alexandre s’avançait vers la Carmanie, lorsqu’il apprend que Philippe, satrape des Indiens, a été tué dans les embûches dressées par les stipendiaires, dont partie fut massacrée dans l’action, et partie arrêtée ensuite et mise à mort par les Macédoniens formant la garde personnelle de Philippe. Alexandre écrit aussitôt à Eudême et à Taxile de veiller sur ce gouvernement jusqu’à ce qu’il en ait disposé.

Il entrait dans la Carmanie, lorsque Cratérus le joignit avec le reste de l’armée et les éléphans, conduisant le traître Ordonès qui avait machiné une révolte. On vit arriver aussi Stasanor, satrape des Arriens et des Zarangues, Pharismane, fils de Phratapherne, satrape des Parthes et des Hyrcaniens ; et à la tête d’une grande partie de l’armée, les généraux Cléandre, Sitalcès et Héracon, laissés dans la Médie avec Parménion.

Le cri général des habitans et de l’armée accusait Cléandre et Sitalcès d’avoir dépouillé les temples, fouillé les tombeaux et accablé les peuples de vexations et d’exactions. Alexandre les fit mettre à mort pour intimider, par cet exemple, ceux des satrapes ou des administrateurs qui seraient tentés de s’écarter des règles de leur devoir. Cette sévérité contribua, plus que toute autre chose, à maintenir sous les lois du vainqueur cette foule de nations diverses et éloignées, soumises volontairement ou par force. Alexandre ne souffrait la tyrannie d’aucun gouverneur. Héracon, qui se justifia alors de l’accusation, n’ayant pu s’y soustraire ensuite, et convaincu par les Susiens d’avoir pillé leur temple, fut mis à mort.

Stasanor et Pharismane amenaient une foule de chameaux et de bêtes de somme qu’ils avaient rassemblés sur la nouvelle de la marche d’Alexandre dans les déserts, dont ils avaient prévu les difficultés et les dangers. Ce secours vint encore à propos, on distribua ces équipages aux différens corps de l’armée.

Quelques historiens rapportent, contre toute vraisemblance, qu’Alexandre traversa la Carmanie sur deux chars attachés ensemble, au milieu d’un cortége d’Hétaires et de musiciens dont il écoutait les concerts nonchalamment penché, tandis que ses soldats, le front couronné, le suivaient en folâtrant, et que les habitans accouraient en lui apportant tout ce qui pouvait fournir à sa table et à ses débauches. Ils ajoutent que c’était à l’exemple du triomphe de Bacchus qui traversa dans cet appareil