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ARRIEN, LIV. VII.

Le roi leur fournissait tous les jours un mouton, et une certaine quantité de farine et de vin, et tous les mois un cheval qu’ils sacrifiaient sur le tombeau.

On y lisait cette inscription en caractères persans :

Mortel, je suis Cyrus, fils de Cambyse, j’ai fondé l’empire des Perses et commandé à l’Asie ; ne m’envie point ce tombeau.

Alexandre, curieux de visiter ce monument après la défaite des Perses, trouva qu’on avait tout enlevé, à la réserve de l’abaque et de l’arche ; on en avait tiré le corps ; on avait tenté de briser l’arche pour l’emporter avec plus de facilité ; on y voyait encore la marque des coups et de l’effort des sacriléges qui l’avaient abandonnée n’ayant pu réussir à l’enlever. Aristobule rapporte que lui-même reçut l’ordre d’Alexandre de rétablir le tombeau, de rassembler les débris du squelette dans l’arche, de la recouvrir, d’en réparer les outrages ; et, après avoir rétabli sur l’abaque les tapis et tout le luxe qu’il étalait, de murer la porte en y apposant le sceau royal.

Alexandre fait arrêter et mettre à la question les Mages qui gardaient le tombeau, pour découvrir les auteurs du crime : les tourmens ne purent rien en tirer ; on les relâche.

Alexandre retourne à Persépolis à laquelle il avait jadis mis le feu, excès dont il se repentit et que son historien n’a point approuvé. Orxinès, qui avait succédé dans le gouvernement des Perses à Phrazaorte, accusé de plusieurs crimes, d’avoir pillé les temples et les sépulcres, et fait mourir injustement plusieurs Perses, est mis en croix.

Peucestas Somatophylax, celui dont le courage, éprouvé en plusieurs occasions, avait éclaté surtout chez les Malliens en défendant Alexandre, est nommé satrape des Perses : il se les concilie par un caractère qui s’accommode à leurs mœurs ; seul de tous les Macédoniens, il revêtit l’habit des Mèdes, apprit leur langue, se conforma à toutes leurs habitudes. Il devint plus cher au roi par cette complaisance, et les Perses se réjouirent de voir le vainqueur préférer leurs usages à ceux de sa patrie.




LIVRE SEPTIÈME.

Chapitre premier. De retour à Persépolis Alexandre eut désir de visiter le golfe Persique et l’embouchure de l’Euphrate et du Tigre, comme il avait reconnu celles de l’Indus et la grande mer. Selon les uns, il se proposait de côtoyer une grande partie de l’Arabie, l’Éthiopie, la Lybie, la Numidie et le mont Atlas, de tourner par les colonnes d’Hercule, de franchir le détroit de Gadès, et de rentrer dans la Méditerranée après avoir soumis Carthage et toute l’Afrique ; qu’alors il pourrait prendre le nom de grand roi à plus juste titre que les monarques Persans ou Mèdes, qui s’appelaient les souverains suprêmes de l’Asie, dont ils ne possédaient pas la millième partie. Selon d’autres, il se serait dirigé par l’Euxin et les Palus-Méotides contre les Scythes. Quelques-uns même assurent qu’il pensait à descendre en Sicile et au promontoire d’Iapyge, attiré par le grand nom des Romains. Je ne puis ni ne cherche à rien assurer sur ce point ; j’affirmerai seulement que Alexandre ne concevait rien que de grand et d’extraordinaire ; qu’il ne se serait jamais reposé, ni après avoir réuni la conquête de l’Europe à celle de l’Asie, ni même quand il eût porté ses armes jusqu’au fond des îles Britanniques. Il s’élançait toujours au-delà de ce