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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/101

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bord ses vélites, les fit suivre par sa cavalerie, et marcha peu après avec ses légions en ordre de bataille.

Le soleil commençait à paraître ; mais l’attention des Romains, portée sur la colline, ne leur permit pas de voir l’embuscade. Annibal d’ailleurs calculait avec adresse la résistance de ses troupes, et envoyait de temps en temps au secours de son infanterie légère, jusqu’à ce que le corps d’armée de Minucius étant enfin totalement engagé, le général carthaginois marcha en personne avec toutes ses forces.

Les vélites furent repoussés, comme ils espéraient se rendre maîtres de la colline, et se renversèrent sur les légions. Toutefois le soldat romain, animé par le souvenir de la dernière victoire de Minucius, se remit bientôt de ce premier désordre, et le combat semblait devenir plus égal, lorsque le général carthaginois, ayant donné le signal aux troupes embusquées, fit attaquer les Romains en flanc et à dos, et les mit dans une si grande épouvante, que leur défaite parut inévitable.

Fabius, de son camp, vit le péril des légions romaines. « Voilà ce que j’avais prévu, » s’écria-t–il. Et, sans perdre de temps, il sortit en bon ordre, et vint au secours de son collègue. Les fuyards se rallièrent à Fabius, et celui-ci ayant mis son armée en bataille, présenta le combat à son tour.

Mais la partie n’était pas égale ; les troupes carthaginoises se trouvaient fatiguées ; celles de Fabius ne demandaient qu’à marcher à l’ennemi ; Annibal fit sonner la retraite.

On rapporte qu’il dit à ses généraux : « Enfin cette nuée orageuse qui se promenait en grondant sur les montagnes vient de crever et de nous donner de la pluie. » Annibal témoignait une grande estime pour les talens de Fabius, et voulut que ses troupes respectassent les terres du dictateur, lorsqu’elles dévastaient les campagnes d’alentour. Alexandre en avait agi de même à l’égard de Memnon de Rhodes, à l’époque où ce grand capitaine défendait l’Asie.

Minucius répara dignement sa faute. Il se rendit auprès du dictateur, se démit, entre ses mains, du pouvoir que le peuple lui avait conféré, et le pria de le recevoir de nouveau dans son camp avec ses troupes. Touché de la noblesse de cette action, Fabius lui donna publiquement des éloges. Conduite bien rare, en effet, bien digne d’être citée, et qui mérita l’admiration du général carthaginois.

Au moyen du système de guerre adopté par Fabius, Annibal, après deux années de victoires brillantes, se trouvait au milieu de ses ennemis, sans argent, sans vivres, sans places, sans alliés, sans communications. Il avait dû supposer qu’après sa première victoire, la moitié de l’Italie se déclarerait pour lui, et cet espoir paraissait fondé, si l’on considère l’état de l’Italie à cette époque. Cependant aucune ville n’avait encore abandonné Rome malgré ses désastres, et les Gaulois eux-mêmes commençaient à se dégoûter de la guerre.

L’expérience avait donc appris qu’une sage défensive pouvait seule procurer des succès dans les opérations militaires ; et Fabius ayant abdiqué à la fin de la campagne, ses successeurs suivirent, pendant quelque temps, la méthode qu’il avait tracée.

L’ennemi passa l’hiver et le printemps dans les environs de Gerunium, toujours côtoyé et observé par les Romains, sans qu’il lui fût possible de les contraindre à une bataille. Le pays était ravagé au point de n’en pouvoir plus tirer de subsistances ; Annibal