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ailes appuyées aux montagnes. Il l’obligea, par une manœuvre savante, de faire un mouvement rétrograde vers Pydna, où cependant le roi de Macédoine prit encore une position forte dans une plaine resserrée entre deux petites rivières, le Lœson et le Leucos-Potamos.

La ville de Pydna se trouvait derrière la gauche de Persée, près de l’endroit où le Lœson va se joindre au Leucos, lequel coulait devant le front de l’armée macédonienne, et donnait au roi la facilité d’attendre les Romains, et de les culbuter s’ils voulaient traverser la rivière[1].

Ces passages nécessitant toujours du désordre dont il est aisé profiter, surtout pour une ordonnance comme celle de la phalange qui jouissait d’une grande force impulsive, Paul Émile, quoique bien résolu de saisir la première occasion qui se présenterait pour terminer la guerre, arriva sur les bords du Leucos, et ne jugea point à propos d’attaquer.

Il ne voulait pourtant pas se retirer en présence de l’ennemi qui pouvait prendre avantage de cette retraite pour augmenter le courage de ses troupes ; il résolut de camper où il se trouvait alors. Nous avons dit ailleurs que sa première ligne resta sous les armes, prête à fondre sur les Macédoniens, et que les autres commencèrent à se retrancher jusqu’à ce qu’elles eussent achevé un parapet assez fort pour permettre aux légions de se retirer en sûreté derrière. Ce fut sous cet abri que l’on termina les fortifications ordinaires d’un camp romain.

Le consul épiait Persée dans cette position, supposant bien qu’il se présenterait quelque circonstance favorable, lorsqu’un cheval, échappé du camp romain, mit ceux qui le poursuivaient en présence d’un détachement de fourrageurs. On se chargea de part et d’autre ; les renforts arrivèrent ensuite successivement et rendirent l’action plus vive ; enfin les Macédoniens crurent l’occasion belle pour surprendre leurs adversaires, et commirent la faute impardonnable de passer le Leucos.

Ils se formèrent promptement. Leur front remplissait toute la plaine. Paul Émile avoua dans la suite que ce rempart d’airain, cette forêt de piques l’avaient rempli d’étonnement et de crainte ; et malgré la bonne contenance qu’il sut prendre, il ne put d’abord s’empêcher de sentir quelque inquiétude sur le succès du combat.

Son armée était rangée par manipules, et déjà la première ligne toute entière se trouvait rompue ; la seconde commençait à plier. Ce terrain paraissait favorable à la phalange ; toutefois le consul remarqua bientôt que le premier combat avait obligé l’ennemi à désunir ses rangs ; que plus la phalange poussait en avant, plus elle laissait d’ouvertures sur son front ; car l’effort et la résistance n’étaient pas les mêmes sur toute la ligne.

Il divisa de suite ses manipules en centuries, sections plus petites, et leur ordonna de ne pas attaquer ensemble et de front ; mais de se jeter, par troupes détachées, dans les crevasses de la phalange.

Cette disposition faite à propos fut couronnée du succès le plus complet. Les légionnaires, pénétrant avec le bouclier et la courte épée par de-là les pointes des lourdes piques macédoniennes, percèrent jusqu’au centre de leur ordonnance pressée, et ne tardèrent pas à faire un carnage effroyable. (ans 586 de Rome ; 168 av. notre ère.)

  1. Voyez l’Atlas.