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deux vaisseaux commandé par Marius, Alexandre de Paphlagonie et l’eunuque Dionysius, puis s’embarqua avec le reste pour se rendre à Nicomédie. Mithridate, contre lequel tous les événemens sinistres semblaient être conjurés, souffrit encore dans ce trajet une tempête désastreuse.

Lucullus avait passé l’hiver à Cyzique. Au commencement du printemps, ses lieutenans se signalèrent par plusieurs expéditions. Malgré tant d’avantages, les places les plus fortes étant situées sur les bords de la mer, Lucullus ne pouvait se flatter de conserver celles qu’il avait prises, tant qu’il n’aurait point de flotte. Il descendit sur les côtes de l’Hellespont, et rassembla tous les vaisseaux qu’il put trouver dans les villes grecques dont l’attachement pour les Romains ne s’était point démenti. Avec les vaisseaux, il se mit à la poursuite de l’escadre commandée par Marius, et l’atteignit près de Lemnos. Trente vaisseaux furent pris ou coulés à fond ; Marius, étant demeuré prisonnier de Lucullus, périt, massacré par ses ordres.

Après cette expédition, Lucullus vint se présenter devant Nicomédie, pour tâcher d’y enfermer Mithridate. Ce prince ne l’attendit pas ; il s’embarqua et fit voile vers le Pont. Le général romain le suivit par la Cappadoce où les légions eurent beaucoup à souffrir de la disette des vivres, Mithridate ayant disposé plusieurs détachemens qui précédaient l’ennemi, et brûlaient tout sur son passage. Lucullus surmonta ces obstacles en se faisant accompagner par trente mille Galates qui portaient chacun un sac de blé. L’abondance devint très grande dès que l’on entra dans le Pont.

Le général romain entreprit de former le siége de trois villes très fortes des états de Mithridate, et les fit investir en même temps. Ses soldats, et principalement les bandes fimbrianes, qui s’étaient plaint de ce que leur général recevait avec une capitulation honorable les villes qui se rendaient, négligeant d’attaquer celles qui refusaient d’obéir, murmurèrent encore lorsqu’ils se virent occupés à ces trois opérations difficiles ; ils demandèrent que l’on se mît à la poursuite de l’ennemi, afin de ne pas lui donner le temps de rassembler une nouvelle armée.

Ces plaintes paraissaient n’être pas sans fondement ; Lucullus crut donc devoir réunir ses troupes et leur exposer sa conduite. « Le poste qu’occupe Mithridate, dit-il, est tel que ce prince peut également fuir au-delà du Caucase, dans ces contrées inconnues où il nous serait impossible de le suivre, ou bien gagner les états de Tigranes, le prince le plus puissant de l’Asie, et qui ne semble chercher qu’un prétexte pour déclarer la guerre à la république. Je connais l’audace du roi de Pont ; j’ai cru devoir lui laisser une lueur d’espérance et les moyens de se rétablir, pour l’enfermer de manière qu’il ne m’échappe pas lorsqu’il sera vaincu. »

Le Pont étant soumis, à l’exception de quelques villes qui ne pouvaient tenir long-temps encore, Lucullus laisse dix mille soldats pour le contenir, renvoie Cotta à Rome, et, fort de douze mille hommes d’infanterie et de trois mille chevaux, part pour l’Arménie, où Mithridate était allé chercher un asile près du roi son gendre.

Bien que Lucullus se fût emparé de quelques provinces des états de Tigranes, la guerre n’était cependant pas déclarée entre lui et les Romains. Sans doute Lucullus se servait du prétexte de poursuivre Mithridate pour entrer sur les terres du roi d’Arménie ; mais il