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dence un édit des Druides : il lui donne une forme bâtarde, moitié romaine, moitié française ; et le décore de ces quatre lettres : S. P. Q. G. Senatus populusque Gallicus ; bien que cette formule n’ait jamais été connue des Gaulois.

Dans son Histoire des Druides ce religieux de l’ordre de Saint-François établit en vingt articles le culte d’un seul Dieu, la morale des moines, l’usage d’aller au sermon, où il défend de babiller ; il constitue aussi le tribunal des femmes, dont on ne trouve pas le moindre vestige chez les anciens, si ce n’est dans le passage de Plutarque dont nous avons parlé, et celui de Polyen qui n’en est qu’un extrait.

Mais le Bénédictin D. Martin n’insulte pas moins à la raison par ses deux énormes volumes de la Religion des Gaulois ; et le ministre Peloutier, dans la Religion des Celtes, s’efforce tout aussi vainement d’établir la croyance de l’unité d’un Dieu chez ce peuple.

Ce n’est pas écrire l’histoire ; c’est vouloir plier les opinions antiques aux sentiments de l’école moderne. Je sais que les faits nous manquent lorsque nous remontons à ces temps éloignés, mais alors nous devons nous éclairer par une profonde connaissance de la nature de l’homme.

Les trois théologiens que je viens de citer, loin de prendre un pareil guide, paraissent ignorer complètement la manière dont les idées naissent et se propagent. Ils ont égaré bien d’autres écrivains, qui les croient sur parole, et ne savent pas qu’astreints à ne rien dire de contraire aux lois que leur état impose, quand même ces solitaires eussent connu la marche de l’esprit humain, ils n’oseraient la développer ou la suivre. Voilà pourquoi le clergé, malgré tant d’instruction réelle, n’a jamais produit un bon historien.




CHAPITRE XII.


Suite de la conquête des Gaules. — Campagnes de Jules César. Observations de Napoléon sur ces campagnes.



1.

César venait d’être investi du gouvernement des Gaules, lorsque le bruit d’une incursion dans la Province se répandit à Rome. Les Helvètes, descendus des Alpes, s’avançaient pour l’envahir. Le proconsul part aussitôt. (Ans 696 de Rome ; 68 av. notre ère.)

Cette excursion, décrite par César, est la première que nous connaissions, d’après le rapport d’un témoin oculaire. Ce témoin, grand capitaine, excellent écrivain, inspire de la confiance, et nous devons le suivre avec quelques détails, afin de bien faire connaître la situation des peuples de la Gaule à cette époque mémorable.

Les nations qui habitaient entre le Rhin, le mont Jura et lac Léman, avaient été excitées à faire de nouvelles incursions chez leurs voisins par un chef nommé Orgetorix, qui aspirait à la souveraine autorité. Il s’était ligué avec Casticus, fils d’un roi des Sequanes, peuple situé entre la Saône et le mont Jura.

Remarquons, avant d’aller plus loin, que ces noms de chefs ne sont pas celtes ; mais qu’ils se rapprochent un peu des noms propres en usage dans les Gaules. Orgetorix devait se terminer en ike, ou mieux en igh. On peut faire la même observation sur Casticus et plusieurs autres noms d’homme ou de peuple que nous verrons dans la suite, et qui ont vraisemblablement été donnés par les Romains et les Marseillais.

Casticus n’avait pas succédé à son