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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/214

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Déjà la gauche d’Arioviste était repoussée ; mais sa droite plus forte accablait les Romains. Le jeune P. Crassus, qui périt si malheureusement dans la guerre contre les Parthes, commandait la cavalerie de César, et vit ce désavantage. Plus libre d’agir que les autres chefs, engagés dans la mêlée, il vole avec la troisième ligne au secours de l’aile gauche, et rétablit l’égalité du combat.

La manœuvre de César devait alors décider la bataille. L’aile gauche des Germains étant pliée, le désordre se mit bientôt sur toute la ligne, et la déroute devint générale. Les fuyards ne s’arrêtèrent que sur les bords du Rhin, éloigné du champ de bataille de cinquante milles (environ seize lieues). Quelques-uns se hasardèrent de passer le fleuve à la nage ; d’autres eurent le bonheur de trouver des barques, et de ce nombre fut Arioviste. Tout le reste périt, taillé en pièces par la cavalerie des Romains.

Ainsi César dans sa première campagne préserva la Gaule de deux incursions, et la délivra d’Arioviste qui en opprimait une partie depuis quatorze années, sans que les Gaulois eussent la force de s’en défaire. Il fut donc le libérateur de ce pays avant d’en être le conquérant.

Il mit ses légions en quartier d’hiver dans cette même Sequanie qu’il venait d’affranchir, et partit pour aller dans la Cisalpine tenir une de ces assemblées que les proconsuls et les préteurs convoquaient tous les ans, afin de régler les principales affaires de la province confiée à leur administration.

La conduite militaire de César n’est pas exempte de blâme. Dans la première guerre, la cavalerie, qu’il n’avait pas fait soutenir, fut repoussée par un simple détachement de cavalerie helvétienne ; et dans la grande bataille qui décida la querelle, il se laisse envelopper aveuglément par une réserve de quatorze mille hommes. Il lui fallut toutes les ressources de son génie, toute la discipline et l’instruction de ses troupes pour se tirer de ce mauvais pas.

On pourrait supposer aussi qu’en présence d’Arioviste César avait trop isolé son aile gauche ou affaibli son ordre de bataille en lui donnant plus d’étendue qu’il ne devait le-faire. Il est certain que l’inspiration de P. Crassus contribua beaucoup au résultat de cette action.

Mais comment César si actif, si avide d’en venir aux mains avec Arioviste, consent-il à le laisser passer tranquillement en vue de son camp, pour aller s’emparer d’un poste qui coupe les vivres de l’armée romaine ? César dit bien qu’il fit sortir cinq fois ses légions ; mais alors Arioviste avait pris sa position, et il n’eut pas l’imprudence de hasarder une bataille, quand il pouvait vaincre les Romains sans combattre.

Cependant quelle occasion plus favorable pour attaquer son ennemi que de le surprendre pendant sa marche, alors que ses forces sont éparpillées sur une grande étendue de terrain, et que les bagages embarrassent ses manœuvres ? On ne comprend rien à l’inaction de César. À moins d’admettre qu’il suivit ici l’exemple de Marius, et ne voulut rien risquer avant d’avoir fait connaître à ses troupes par de petits combats que les Germains n’étaient pas invincibles. Cette supposition vaut bien la peine qu’on la mentionne, car elle est de Rohan, grand homme de guerre, dont le coup d’œil paraît bien rarement en défaut.

Voici, sur cette première campagne, le jugement d’un autre capitaine non moins illustre que César. C’est un document curieux dont nos lecteurs apprécieront toute l’importance. Nous rapportons tex-