Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 240 —

constamment battus par les Parthes, c’est que les Parthes étaient tous armés d’une arme de jet supérieure à celle des armés à la légère de l’armée romaine, de sorte que les boucliers des légions ne la pouvaient parer. Les légionnaires, armés de leur courte épée, succombaient sous une grêle de traits à laquelle ils ne pouvaient rien opposer, puisqu’ils n’étaient armés que de javelots (pilum). Aussi depuis ces expériences funestes, les Romains donnèrent cinq javelots (hastes), traits de trois pieds de long, à chaque légionnaire qui les plaçait dans le creux de son bouclier.

« Une armée consulaire renfermée dans son camp, attaquée par une armée moderne d’égale force, en serait chassée sans assaut et sans en venir à l’arme blanche ; il ne serait pas nécessaire de combler ses fossés, d’escalader ses remparts : environnée de tous côtés par l’armée assaillante, prolongée, enveloppée, enfilée par les feux, le camp serait l’égout de tous les coups, de toutes les balles, de tous les boulets : l’incendie, la dévastation et la mort ouvriraient les portes et feraient tomber les retranchemens. Une armée moderne, placée dans un camp romain, pourrait d’abord sans doute faire jouer toute son artillerie ; mais quoique égale à l’artillerie de l’assiégeant, elle serait prise en rouage et promptement réduite au silence ; une partie seule de l’infanterie pourrait se servir de ses fusils ; mais elle tirerait sur une ligne moins étendue, et serait bien loin de produire un effet équivalent au mal qu’elle recevrait. Le feu du centre à la circonférence est nul ; celui de la circonférence au centre est irrésistible.

« Une armée moderne, de force égale à une armée consulaire, aurait vingt-six bataillons de huit cent quarante hommes, formant vingt-deux mille huit cent quarante hommes d’infanterie ; quarante-deux escadrons de cavalerie, formant cinq mille quarante hommes ; quatre-vingt-dix pièces d’artillerie servies par deux mille cinq cents hommes. L’ordre de bataille moderne étant plus étendu, exige une plus grande quantité de cavalerie pour appuyer les ailes, éclairer le front. Cette armée en bataille, rangée sur trois lignes, dont la première serait égale aux deux autres réunies, occuperait un front de quinze cents toises sur cinq cents toises de profondeur ; le camp aurait un pourtour de quatre mille cinq cents toises, c’est-à-dire triple de l’armée consulaire ; elle n’aurait que sept hommes par toise d’enceinte, mais elle aurait vingt-cinq toises carrées par homme ; l’armée tout entière serait nécessaire pour le garder. Une étendue aussi considérable se trouvera difficilement sans qu’elle soit dominée à portée de canon par une hauteur. La réunion de la plus grande partie de l’artillerie de l’armée assiégeante sur ce point d’attaque détruirait promptement les ouvrages de campagne qui forment le camp. Toutes ces considérations ont décidé les généraux modernes à renoncer au système des camps retranchés, pour y suppléer par celui des positions naturelles bien choisies.

« Un camp romain était placé indépendamment des localités : toutes étaient bonnes pour des armées dont toute la force consistait dans les armes blanches ; il ne fallait ni coup d’œil, ni génie militaire pour bien camper ; au lieu que le choix des positions, la manière de les occuper et de placer les différentes armes, en profitant des circonstances du terrain, est un art qui fait une partie du génie du capitaine moderne.

« La tactique des armées modernes est fondée sur deux principes : 1o  Quel-