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hauteur qu’exigeaient les défenses de la ville. Les Massiliens d’ailleurs ne s’en tinrent pas au jeu de leurs machines, qui continuait jour et nuit sans aucun relâche : ils portèrent le fer et le feu dans les travaux par des sorties réitérées ; et, s’ils étaient souvent contraints à une retraite précipitée, plus souvent encore ils ruinaient quelque partie considérable de l’ouvrage des assiégeants.

Du côté de la flotte, la guerre ne se fit pas avec moins de vigueur. Nasidius, que Pompée envoyait avec seize navires au secours de Massilie, avait passé heureusement le détroit de Sicile en présence d’une escadre qui croisait pour César. Il se dirigea vers Domitius, et lui fit connaître son arrivée ainsi qu’au sénat de la ville, le sollicitant d’armer tous les vaisseaux disponibles, et de les joindre aux siens pour tenter un nouveau combat.

Les Massiliens se prêtèrent à ses vues, firent des efforts extraordinaires, et sortirent du port. Les trois escadres unies formaient une belle flotte avec laquelle on attaqua Brutus. Mais les Massiliens furent abandonnés dans l’action par les Romains, qui, n’ayant pas le même intérêt que les alliés à délivrer la ville, esquivèrent le combat et se retirèrent sains et saufs en Espagne. Les vaisseaux, contraints de rentrer dans le port, furent poursuivis et maltraités par Brutus, qui en prit quatre et en détruisit cinq.

Ce malheur ne découragea pas les assiégés. Par leur résolution opiniâtre à continuer les sorties, la terrasse avança lentement. Maîtres du haut des murs, ils commandaient tout le terrain situé entre la ville et les lignes romaines, de sorte que les légions n’osaient aller recevoir l’assaillant par-delà leurs ouvrages, ni le poursuivre après l’avoir repoussé.

Le dépit de ces sorties fréquentes et ruineuses détermina les officiers qui commandaient la droite de l’attaque à tenter de l’établir plus près de l’enceinte de la place, dans un poste indépendant des travaux. Ils poussèrent les galeries en avant, vis-à-vis d’une tour de la ville, et, sous la protection des mantelets, y bâtirent un mur de briques de cinq pieds d’épaisseur.

Il en eut trente de front ; on lui donna bientôt des flancs d’une dimension égale ; ce qui formait un carré propre à couvrir un corps d’élite, dont la destination fut de prendre en flanc les gens de la sortie. Ce poste pouvait encore protéger le grand ouvrage. Mais ce n’était qu’une faible ressource, et la supériorité des défenses sur les travaux de l’attaque ne promettait rien de décisif au général romain.

Un habile architecte lui représenta que, si cet ouvrage de briques, construit par les soldats uniquement pour se loger ou s’épauler, pouvait être porté à la hauteur d’une tour, Massilie serait bientôt prise. On en convint ; toutefois la proximité des murailles de la ville, le grand appareil des machines que les assiégés ne manqueraient pas de faire jouer, l’embarras de soutenir les travailleurs, vu l’éloignement des autres ouvrages, ces considérations formaient des obstacles peut-être insurmontables. Cependant, on ne recula pas devant les difficultés.

Elles furent grandes, et César, qui trouve l’entreprise admirable, se plaît à nous en donner le détail.

« Les légionnaires, dit-il, qui travaillaient sur la droite aux ouvrages, se voyant exposés aux fréquentes sorties des assiégeans, remarquèrent qu’il se-