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génie domina la fortune pendant tout le cours de son règne.

Cet ascendant avait tant de force, qu’il obligea son collègue, Hercule Maximien, à se démettre aussi de la puissance impériale. Bien qu’il fût séparé de Dioclétien par les mers et les monts ; encore qu’il commandât une autre armée et un autre peuple, Maximien n’osa cependant résister aux conseils et à l’exemple de son collègue ; et le même jour, à la même heure que Dioclétien, en présence des troupes, des magistrats et du peuple, il fit à regret la cérémonie de son abdication.

Les auteurs chrétiens qui vinrent après Dioclétien l’ont blâmé de tout ce qui nous engage à le louer. Leur morale de cénobite calomnie ce qui est utile à l’humanité ; mais la preuve que Dioclétien se conduisait avec sagesse, c’est qu’il fut accusé d’aimer trop l’économie, malgré le faste de sa cour et la somptuosité de ses monumens.

La forme du gouvernement établi par Dioctétien subsista. Il y avait deux Césars et deux Augustes. Bientôt on vit six empereurs. L’Italie, les Gaules, les Espagnes, l’Afrique n’en reconnaissaient que trois ; la Grèce, l’Illyrie, l’Égypte et l’Asie n’avouaient que les trois autres. Cet état dura jusqu’à ce que Constantin, souillé du meurtre de son beau-père, du sang de ses beaux-frères, de celui de plusieurs rois des Bructères et des Francs, réunit enfin tout l’empire et porta seul le nom d’Auguste. Il avait vaincu l’Italie avec les forces de la Gaule, et les armées de l’Asie avec celles de l’Europe.

Dès long-temps les Augustes ne connaissaient d’autre patrie que leur camp. Dioclétien avait placé sa résidence à Nicomédie, Maximilien tenait sa cour à Milan, et Constance Chlore à Trèves. Constantin résolut de fonder une ville nouvelle, de la rendre tout d’un coup plus riche, plus belle, plus peuplée que Rome, et de lui donner son nom. (An 328 de notre ère.)

Changer le siége de l’empire, c’est changer le génie de l’état, le caractère originel du gouvernement. Le sol donne aux âmes une empreinte primordiale, comme aux corps une figure qui distingue les peuples. Constantin l’ignorait, ou il voulait détruire le type du caractère de l’empire, dont les traits ne furent jamais entièrement effacés tant que le siége fut à Rome.

Le mélange des nations rassemblées dans une grande capitale altère, affaiblit, dégrade ses traits territoriaux, mais ne les empêche pas de prédominer. Les Grecs voisins de Constantinople, en se confondant avec les Thraces, apportèrent leurs vices, et ne communiquèrent point leurs vertus.

La puissance civile et militaire avait été réunie, depuis Auguste, dans les mains des gouverneurs de provinces ; ils commandaient les armées, administraient les finances et la justice ; ils étaient de véritables rois. C’est ce qui rendit les révoltes si communes, que depuis Commode jusqu’à Constantin, pendant l’espace d’un siècle, on compte près de cent gouverneurs qui avaient pris la pourpre.

Constantin sépara toujours la puissance civile de la puissance militaire. La première fut confiée aux préfets ; on divisa la seconde entre deux généraux, l’un de la cavalerie, l’autre de l’infanterie.

Comme les dignités militaires ne donnaient plus alors d’autorité dans les affaires de finances, de police ou de justice, on craignit moins d’en revêtir des Barbares, qui, ne connaissant ni les lois ni la constitution de l’empire,