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POLYBE, LIV. I.

aux Gaulois près, ils conçurent le dessein d’assiéger les Romains qui étaient alors dans Rhégio.

Ces deux villes, Messine et Rhégio, toutes deux bâties sur le même détroit, eurent à peu près le même sort. Peu avant le temps dont nous venons de parler, les Campaniens qui étaient à la solde d’Agathoclès, charmés depuis long-temps de la beauté et des autres avantages de Messine, eurent la perfidie de s’en saisir, sous le faux-semblant d’y vivre en bonne intelligence avec les citoyens. Ils y entrèrent comme amis ; mais ils n’y furent pas plus tôt, qu’ils chassèrent les uns, massacrèrent les autres, prirent les femmes et les enfans de ces malheureux, selon que le hasard les fit alors tomber entre leurs mains, et partagèrent entre eux ce qu’il y avait de richesses dans la ville et dans le pays.

Peu après, leur trahison trouva des imitateurs. L’irruption de Pyrrhus en Italie et les forces qu’avaient sur mer les Carthaginois, ayant jeté la crainte et l’épouvante parmi les Rhéginois, ils implorèrent la protection et le secours des Romains. Ceux-ci vinrent au nombre de quatre mille sous la conduite de Décius Campanus. Pendant quelque temps, ils gardèrent fidèlement la ville ; mais éblouis de ses agrémens et des richesses des citoyens, ils firent alliance avec eux, comme avaient fait les Campaniens avec les Messinois, chassèrent une partie des habitans, égorgèrent l’autre, et se rendirent maîtres de la ville.

Les Romains furent très-sensibles à cette perfidie. Ils ne purent y apporter de remède sur-le-champ, occupés qu’ils étaient aux guerres dont nous avons parlé ; mais dès qu’ils les eurent terminées, ils mirent le siége devant Rhégio. La ville fut prise, et on passa au fil de l’épée le plus grand nombre de ces traîtres, qui, prévoyant ce qui devait leur arriver, se défendirent avec furie. Le reste, qui s’élevait à plus de trois cents, ayant été fait prisonnier et envoyé à Rome, y fut conduit sur le marché par les préteurs, battu de verges et mis à mort, exemple de punition que les Romains crurent nécessaire pour rétablir chez leurs alliés la bonne opinion de leur foi ! On rendit aussi aux Rhéginois leur pays et leur ville. Pour les Mamertins, c’est-à-dire les peuples de la Campanie, qui s’étaient donné ce nom après avoir surpris Messine, tant qu’ils furent unis avec les Romains qui avaient envahi Rhégio, non-seulement ils demeurèrent tranquilles possesseurs de leur ville et de leurs pays, mais ils inquiétèrent fort les Carthaginois et les Syracusains pour les terres voisines, et obligèrent une grande partie de la Sicile à leur payer tribut. Mais ceux qui tenaient Rhégio n’eurent pas été plutôt assiégés, que les choses changèrent de face ; car, privés de tout secours, ils furent eux-mêmes repoussés et renfermés dans leur ville par les Syracusains pour les raisons que je vais dire.

La dissension s’étant mise entre les citoyens de Syracuse et leurs troupes, celles-ci s’arrêtant autour de Mergana, élurent pour chefs Artémidore, et Hiéron qui dans la suite les gouverna. Ce dernier était alors fort jeune à la vérité, mais d’une prudence et d’une maturité qui annonçaient un grand roi. Honoré du commandement, il entra dans la ville par le moyen de quelques amis, et, maître de ces gens qui ne cherchaient qu’à tout brouiller, il se conduisit avec tant de douceur et de grandeur d’âme, que les Syracusains, quoique mécontens de la faculté que s’étaient attribués les soldats, ne laissèrent pas de le faire