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POLYBE, LIV. I.

les éléphans et les soldats, et se dispose ouvertement à tenir la campagne. Ce fut avec beaucoup de douleur que les Romains apprirent le naufrage de leurs vaisseaux, par ceux qui s’en étaient échappés. Mais ce malheur ne leur abattit pas le courage : ils firent construire de nouveau deux cent vingt bâtimens, et, ce que l’on aura peine à croire, en trois mois cette grande flotte fut prête à mettre à la voile. Elle y mit en effet sous le commandement de deux nouveaux consuls A. Atilius et C. Cornelius. Le détroit traversé, ils reprennent à Messine les restes du naufrage, cinglent vers Palerme, et mettent le siége devant cette ville, la plus importante qu’aient les Carthaginois dans la Sicile. On commence les travaux des deux côtés, puis on fait jouer les machines. La tour située sur le bord de la mer s’écroule aux premiers coups ; les soldats montent à l’assaut par cette brèche, et emportent de force la nouvelle ville. L’ancienne, courant risque de subir le même sort, leur fut livrée par les habitans. Les Romains y laissèrent une garnison, et retournèrent à Rome.




CHAPITRE IX.


Autre tempête funeste aux Romains. — Bataille de Palerme.


L’été suivant, les consuls C. Servilius et C. Sempronius, à la tête de toute la flotte, traversèrent la Sicile, et passèrent jusqu’en Afrique. Rasant la côte, ils firent plusieurs descentes, mais qui aboutirent à peu de chose. À l’île des Lotophages appelée Ménix, et peu éloignée de la petite Syrte, leur peu d’expérience pensa leur être funeste. La mer, s’étant retirée, laissa leurs vaisseaux sur des bancs de sable. Ils ne savaient comment se retirer de cet embarras. Mais quelque temps après, la mer étant revenue, ils soulagèrent un peu leurs vaisseaux, en jetant les objets les plus lourds, et se retirèrent à peu près comme s’ils eussent pris la fuite. Arrivés en Sicile, ils doublèrent le cap de Lilybée et abordèrent à Palerme. De là, passant le détroit, ils cinglaient vers Rome, lorsqu’une horrible tempête s’éleva et leur fit perdre cent cinquante vaisseaux. De quelque émulation que les Romains se piquassent, des pertes si grandes et si fréquentes, leur firent perdre l’envie de lever une nouvelle flotte, et, se bornant aux armées de terre, ils envoyèrent en Sicile Lucius Cécilius et Cn. Furius, avec les légions, et soixante vaisseaux seulement pour le transport des vivres. Les malheurs des Romains tournèrent à l’avantage des Carthaginois, qui reprirent sur la mer la primauté que les premiers leur avaient disputée. Ils comptaient aussi beaucoup, et avec raison, sur leurs troupes de terre ; car les Romains, depuis la défaite de leur armée d’Afrique, s’étaient fait des éléphans une idée si effrayante, que pendant les deux années suivantes qu’ils campèrent souvent dans les campagnes de Lilybée et de Selinonte, ils se tinrent toujours à cinq ou six stades des ennemis, sans oser se présenter à un combat, sans oser même descendre dans les plaines. Il est vrai que pendant ce temps-là, ils assiégèrent Therme et Lipare ; mais ce ne fut qu’en se postant sur des hauteurs presque inaccessibles. Cette frayeur fit changer de résolution aux Romains, et les fit revenir en faveur des armées navales. Après l’élection des deux consuls, C. Atilius et L. Manlius, on construisit cinquante vaisseaux, et on leva des troupes pour faire une puissante flotte.

Asdrubal, chef des Carthaginois, témoin de l’épouvante où avait été l’ar-

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